Histoires de pierres tombales

Lundi matin d’octobre. Je gèle des mains. Je me dirige vers la 1re Avenue, puis je sonne à la porte d’un petit local qui m’intrigue depuis longtemps. Sa façade est sobre. On peut d’ailleurs facilement passer devant sans s’en rendre compte. Or, pour les plus observateurs, les monuments funéraires dans la cour attireront les regards… À l’intérieur de chez Monuments Thériault, je me réchauffe enfin. Dans mes souvenirs, il y avait la chaleur d’une chandelle. Peut-être est-ce le fruit de mon imagination, qui s’emballe malgré moi quand j’aperçois cette grande trappe de bois ouverte menant à la cave… Je pense à Six Feet Under. La secrétaire me présente M. Thériault, propriétaire. Nous convenons d’une entrevue écrite. Question de vous souhaiter une joyeuse Halloween 2013, nous vous invitons à découvrir les dessous de cette entreprise funéraire du quartier.

Quelle est l’histoire de votre entreprise ?

Joseph-Ludger Thériault, mon grand-père, a quitté Trois-Pistoles en 1932 pour venir s’établir à Québec. À cette époque, il est tailleur de pierres et commence à travailler avec des Belges (les Goffin), eux aussi tailleurs, dans la paroisse de Saint-Malo. En 1940, il achète le coin de rue (1re Avenue et 7e rue) où nous sommes toujours établis. Rapidement, l’entreprise devient une des entreprises les plus réputées au Québec couvrant alors un vaste territoire incluant Charlevoix et la Côte-Nord, le Bas-du-Fleuve et la Gaspésie et même une portion du Nouveau-Brunswick, Portneuf, Lotbinière et les Bois-Francs. Jos.-Ludger Thériault décède à 52 ans laissant l’entreprise dans les mains de ses fils Robert, Benoît, Jacques et Viateur, mon père. Les 3 frères de mon père décèdent très jeunes, 36, 38 et 54 ans. Viateur se retrouve alors à la tête de l’entreprise.En ce qui me concerne, après un bac en littérature et théâtre, un bac en photographie, des études en sérigraphie, je commence à m’intéresser à l’entreprise pour connaître les rouages du commerce. Lentement mais sûrement, je touche à toutes les facettes de l’entreprise, la représentation en région, en ville, la vente, l’installation de monuments, l’administration… »

Quels sont vos services les plus en demande ?

En premier lieu, je dirais le lettrage sur monument. Ensuite les monuments proprement dit et finalement la rénovation de pierres déjà en place. »

Votre équipe de travail est constituée de quels corps de métier ?

Un lettreur avec son unité mobile de jet de sable s’occupe des inscriptions à faire dans les cimetières. Au bureau, une secrétaire et moi-même nous occupons de répondre aux clients. Deux installateurs, eux, s’occupent pendant la saison de sillonner les routes du Québec pour la pose de monuments. »

En quoi le métier de graveur a-t-il évolué ?

Pour ce qui est de graver des noms sur un monument, le métier de graveur est passé des ciseaux à pierre au jet de sable propulsé par un compresseur. Pour ce qui est de réaliser des dessins, la même évolution a eu lieu, mais de nouvelles techniques sont apparues comme la numérisation d’images et l’utilisation du laser pour les reproduire sur le granit. »

Quelles sont les couleurs de granit les plus prisées ?

On peut dire qu’en général, les gens ont toujours préféré le noir. Celui qui vient du Québec (noir cambrien du Lac St-Jean), le noir provenant de l’Inde et d’Afrique du Sud. Les couleurs les moins prisées : je m’avancerais à dire les roses (ex. rose Laurentien de Mont-Laurier) et les rouges (de Red Deer, Alberta, de l’Inde..). »

Quelles sont les citations les plus demandées pour graver sur les tombes ?

J’ai rejoint ceux que j’aimais et j’attends ceux que j’aime. »

Il y a-t-il selon vous une chose que les gens ignorent du métier que vous faîtes ?

Quelques-unes… Par exemple, que nous n’utilisons que du granit à cause de sa pérennité et que le marbre n’est pas approprié à notre climat. Qu’un monument doit être installé sur une fondation de béton creusée à 4 pieds de profondeur pour ne pas être affecté par le gel et le dégel. Que la gravure est faite au cimetière et qu’il n’est pas nécessaire d’aller chercher le monument pour réaliser les inscriptions. »

Quels dessins ou images sont les populaires pour la gravure sur la tombe? L’objet le plus insolite que vous ayez à graver?

Je dirais que de plus en plus, ce sont des représentations de la nature, arbres, oiseaux, fleurs… qui sont demandées. Les symboles religieux ont pour ainsi dire été évacués. Ce qui est insolite pour les uns sera banal pour d’autres. Nous avons gravé des images d’autos, d’avions, de trains, de motos, de bateaux, de maisons et de chalets… »

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Y-a-t-il une gravure sur un monument dont vous êtes le plus fier? Pourquoi ?

Je dirais la reproduction d’une peinture réalisée par un défunt et que nous avons reproduite sur son monument avec les couleurs appliquées à la main. C’était renversant. »

Avez-vous travaillé ou votre entreprise a-t-elle travaillé sur un monument d’une personnalité publique ?

À maintes reprises, des monuments de politiciens, d’écrivains et d’acteurs de la scène économique de Québec. »

Qu’aimez vous le plus dans votre métier ?

Travailler avec les gens, les conseiller et dessiner des monuments plus personnels. »

Et vous chers lecteurs, avez-vous une citation que vous désireriez graver sur votre monument en cette journée du 31 octobre ?

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