Limoilou, origine du monde
Limoilou, 1989. Au Gaz Bar Champlain, l’essence se détaille à 0.58 $ le litre. Le bon vieux temps ? Pas pour les gens de ce quartier défavorisé, pour qui c’est encore trop cher. L’apparition des libres-services, plus abordables et plus sophistiqués, rafle une partie de la clientèle à François Brochu et à ses fils, Réjean et Guy. Ceux-ci peuvent néanmoins compter sur une poignée de fidèles – quoique pas toujours honnêtes. Mais qu’importe : entre ceux qui quémandent le plein d’essence à crédit et ceux qui volent les maigres recettes flânent des hommes de cœur qui permettent au commerce de survivre à coups de boissons gazeuses et de cigarettes. Car, à défaut de remplir les réservoirs, le Gaz Bar sert de lieu de rencontre où rompre sa solitude.
Le quartier au complet vient icitte. T’as même pas d’char toi pis t’es icitte douze heures par jour. Pourquoi ? Parce que t’aimes bien mieux être icitte avec nous autres au lieu d’être tout seul à la maison. Où c’est que tu vas passer tes journées quand ils vont remplacer la place icitte par une p’tite boîte de trois pieds par trois pieds avec un enfant assis en arrière de ton Jésus Marie d’ordinateur ? Tu vas trouver le temps long hein mon Jos ? Pus de place pour placoter pis pour boire des cafés.”
Contre les bouleversements politiques et socio-économiques du moment, le Gaz Bar devient le gardien d’un quotidien qui résiste au changement. Mais, bien que sensibles aux valeurs familiales de leur père diminué par le Parkinson, Réjean et Guy ne sont pas moins épris de liberté. Le premier s’envolera pour immortaliser sur pellicule la chute du mur de Berlin ; le deuxième se consacrera à sa musique. Alain, le benjamin, revendiquera plus de responsabilités au Gaz Bar, jusqu’à ce que la réalité rattrape le commerce de M. Brochu.Gaz Bar Blues, long-métrage encensé de Louis Bélanger (2003), raconte sans cynisme la fin d’une époque. À partir d’une chronique limouloise qui rassemble les souvenirs d’enfance du réalisateur, celui-ci aborde non sans humour des réalités universelles : les liens familiaux, la jeunesse en déroute, la mondialisation, l’avènement de la technologie. Comme si Limoilou devenait, l’espace d’un film, l’origine et le miroir du monde.Nouvel organe de diffusion de cinéma d’auteur dans le quartier Limoilou, le Ciné-club Spirafilm ne pouvait lancer sa programmation avec une œuvre plus significative, susceptible d’éveiller certaines nostalgies. Pour qui voudrait d’ailleurs en témoigner, le réalisateur Louis Bélanger et l’acteur Maxime Dumontier (Alain) nous feront l’honneur de leur présence.Également au programme de la soirée : le court-métrage Les fleurs de l’âge de Vincent Biron, qui met en scène quatre enfants dont les événements de la journée les forceront à vieillir.Gaz Bar Blues et Les fleurs de l’âge seront projetés ce soir à 19 h, à la Salle Sylvain-Lelièvre (Cégep Limoilou), dans le cadre du Ciné-club Spirafilm.[ À lire aussi : Il était une fois une fille qui s’appelait Limoilou! ]
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