Débauche, exhibitionnisme et whisky

L’un des avantages de la salle Sylvain-Lelièvre, c’est qu’on peut s’y lever et danser. En voulez-vous de la place, en v’là, même lorsqu’une bonne centaine de personnes occupe l’espace. Tant pis pour la gêne, on n’y peut rien : la musique infiltre notre corps. Ça commence par le pied qui tape, puis les mains qui frappent, la tête qui dodeline et, finalement, sans même nous en apercevoir, nous voilà debout dans l’allée à se dandiner comme si nous étions seuls au monde – avec Daran, à qui on ne peut s’empêcher d’envoyer la main chaque fois qu’il interpelle son public. Public d’ailleurs indiscipliné, interrompant joyeusement les interventions du chanteur à coup de Limoilou libre! et autres exclamations enthousiastes. Il n’y a pas de plaisir où il y a de la gêne.Je ne sais pas pour vous, mais des quidams qui battent le rythme, fredonnent, rient, jusqu’à, pour certains, se dévergonder dans la danse, ça me semble être le signe d’une soirée réussie. Telle fut donc l’ambiance créée hier par la performance de Daran à la Folie des bands, la première d’une longue série à travers le Québec. Ambiance malgré tout feutrée, intimiste. Transcendante, même : lorsque les musiciens partaient sur un jam, ils se recroquevillaient dans leur bulle, accrochés à leurs instruments comme si leur vie en dépendait. Ou peut-être moins leur vie que le plaisir du public, ce qui est tout comme pour un artiste. Au final, leur vie comme notre plaisir ont été saufs.La revanche des p’tits gars de LimoilouIl faut dire que le climat avait été réchauffé d’abord par le groupe Mauves, festif, trippant, emballant, doux par moments, et un brin exhibitionniste.

Dans les bars, il faut enchaîner vite, se battre pour surmonter les bruits environnants. Dans une salle comme ici, il y a comme un silence après les chansons [après les applaudissements, quand même], comme si les gens attendaient quelque chose de nous, et on sait pas trop quoi leur donner. »

Qu’on se rassure – ou qu’on se désole : on ne leur a pas demandé leurs vêtements. Plutôt des chansons – Madelaine, romantico-dandy (l’expression, éloquente, est de Catherine Genest), La maison de Johnny, rétro et country dans le piton – et quelques confidences.

Nous sommes tous des p’tits gars de Limoilou, qui avons étudié au Cégep Limoilou, qui nous sommes faits recaler à Cégeps en spectacle… »

Douce revanche pour ce groupe émergent (mine de rien, il sera au Capitole prochainement), qui paraît par moments tout droit sorti des années 1960-1970, par son esthétique et son son (!) vintages. Le public en aurait pris encore mais Mauves, galant, a cédé sa place à l’une des rares filles programmées par la Folie des bands.Un whisky SVP!I.No, formation au beat cardiaque dont la chanteuse, à la voix légèrement nasillarde mais pas du tout désagréable à l’oreille – elle rappelle, en fait, celle des chanteuses soul –, a proposé des mélodies enveloppantes et enivrantes. Une voix comme des chansons (Mon Chéri) qui vient des tripes, vibrante, étonnante. L’harmonie des chansons n’avait d’égal que celle des artistes avec la scène, qui l’habitaient passionnément. Ils ont poussé au passage un blues qui nous faisait rêver de cognac et de whisky. Ne manquait qu’un bar enfumé et un saxophoniste aveugle (!). Qui sait, peut-être ce soir au Bal du Lézard avec Shane Murphy.Un merci spécial à Jean-Sébastien Ouellet, pour la qualité de ses photos.[ À consulter : Limoilou style ] [ Programmation complète de la Folie des bands ]

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