La Bouchée Généreuse : La guignolée à l’année (1)
150 personnes s’entassent telles des manchots empereurs à l’entrée du 145 boulevard Hamel. Il est 13 heures et y fait pas chaud.
Je passe souvent par ici l’été en vélo pour le travail. J’avais remarqué les longues files le jeudi matin, mais je ne pensais pas qu’il y avait autant de monde le jeudi après-midi. Une petite fille attend que ses parents reviennent avec des sacs remplis de bouffe dans une camionnette, elle semble se demander tout comme moi, comment je vais entrer. Je devrai passer vers l’arrière, je ne réussirai pas à me faufiler.
En contournant l’immeuble, je vois de pauvres diables qui fouillent les conteneurs derrière la bâtisse. Peut-être cherchent-ils des restants, peut-être qu’il y a du linge là-dedans? Au même moment, un camion décharge des vivres. Une petite ouverture me laisse entrevoir quatre ou cinq bénévoles, à l’intérieur du garage.
– Reste pas là c’est dangereux, me crie l’un d’eux.
– Je viens pour Monlimoilou! J’aimerais parler à un responsable.
– Viens sur le côté, je vais aller te rejoindre.
Le bénévole aguerri m’ouvre et m’indique une petite salle à gauche : « Demande Bruno Verret ».
Je suivrai l’abbé Verret, le fondateur de La Bouchée Généreuse, pour le reste de ma visite.
– Ça c’est un panier qu’on donne aux gens qui viennent ici?
– Ce sont des livraisons, les gens viennent chercher parfois, m’explique Bruno.
C’est très achalandé, nous passons par un corridor et empruntons les escaliers.
« Ici c’est notre monte-charge. Quand on était dans le sous-sol de l’église (Stadacona), il fallait monter pis descendre tout ça à bras. C’est toute des affaires à vendre. On vend pas ça ben cher, ça dépend du budget de chacun. »
Je demande : « Les gens peuvent venir vous porter leurs vieux meubles? »
Bruno me répond : « Ici on a un problème, offrez-nous rien parce qu’on dit oui à toute. »
Le jeudi, on offre même un service d’opticien : Une salle est là pour les examens de la vue, la vente de lunettes à prix abordable pour ceux qui bénéficient de l’assurance provinciale. Simon Dufour, l’opticien, fait le tour des organismes comme La Bouchée et offre ses services à prix modique.
Il ya plus loin une friperie, le vestiaire comme l’abbé l’appelle. Il est content de me montrer la section maternité. « Du linge pour les femmes enceintes c’est cher. Ici on vend ça 2 piastres. » M. Verret est sollicité de toute part, tout le monde le connaît. Il dirige une immigrante qui ne parle pas français. « Va en bas là, pis demande Hélène, c’est elle qui s’occupe du vestiaire », elle ne comprend pas un traître mot de ce qu’il dit et répète toujours la même question. Elle s’est probablement servi d’un traducteur. Exaspérée, elle finit par saisir «Hélène». « C’est ça Hélène est en bas, c’est à elle faut tu parles », répète l’abbé qui réussit à fermer les lumières à l’étage.
Il repousse des gamins qui montent : « Les gars, c’est fermé le vestiaire, allez en bas, vous reviendrez demain ». Avec le recul, je pense que Bruno voulait me montrer l’étage en premier pour que vous sachiez qu’il y a de la place en masse pour les dons. Ils iront les chercher chez vous.
C’est comme si la Bouchée manquait encore de visibilité.
« La ville veut pas qu’on pose notre enseigne en avant. Ça fait un an que ça traine! On pourrait y afficher nos activités pis le monde nous verrait. En attendant d’avoir le permis, on est obligé de garder la pancarte de l’ancien commerce, c’est ridicule. J’pense pas que l’maire Labeaume serait bien content d’apprendre ça… », me lance Bruno sourire en coin.
Notre visite se poursuit… À suivre demain.
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