Familles cherchent nid douillet urbain
Nous sommes les heureux parents d’un petit bébé de 6 mois et nous sommes à la recherche d’un « nid » chaleureux dans ce quartier de rêve afin d’y élever nos enfants. […] Dans l’éventualité où vous souhaiteriez vendre votre maison dans la prochaine année, nous vous serions extrêmement reconnaissants si vous acceptiez de communiquer avec nous. »
Ceci est un extrait d’une lettre qu’un jeune couple a déposé dans une quarantaine de boîtes-à-lettres du quartier, espérant ainsi trouver leur future demeure. Limoulois de corps et de coeur depuis 2008, dynamiques et impliqués dans une foule d’activités sociales, il ne se voyaient pas vivre ailleurs.Déjà propriétaires d’un condo au 3e étage d’un triplex du Vieux-Limoilou, les heureux parents voulaient plus d’espace pour agrandir la famille. Loin du grand luxe, ces acheteurs souhaitaient avoir un minimum de trois chambres, moins d’escaliers et un accès à une petite cour, sans travaux de rénovation majeurs autant que possible. Condo, duplex, unifamiliale, toutes les options étaient envisagées. Budget : autour de 300 000 $.Mais voilà, notre couple a vite constaté qu’il n’était pas seul à chercher. «C’était la folie furieuse! Il y avait pratiquement des files d’attente pour visiter des propriétés qui n’étaient même pas encore affichées officiellement», raconte Monsieur. Souvent, plusieurs offres d’achat étaient déjà déposées, donnant lieu à une véritable surenchère et augmentant la pression d’acheter sans inspection et de risquer de tomber sur une foire aux malheurs.Après plusieurs mois de recherches infructueuses, l’idée des lettres est venue d’amis propriétaires qui disaient recevoir régulièrement ce genre de missive. Sur 40 lettres, une seule a porté fruit. Après un long moment d’hésitation, des propriétaires se décident enfin à vendre. Au moment de contacter notre couple d’acheteurs, ils ont déjà quatre ou cinq offres d’achat, seulement dans leur réseau. Le prix demandé est à la limite du budget fixé, les jeunes parents, découragés de réussir à trouver quelque chose dans leurs critères offrent plus, se questionnent, songent à augmenter la mise jusqu’à 350 000$, sans trop savoir si des travaux importants seront à faire.
Là, on s’est trouvés cons, avoue Monsieur. Le marché féroce oblige les familles à repousser les limites de leur budget. Mais si on acceptait de payer ce prix pour rester absolument dans le quartier, on s’est rendu compte qu’on n’aurait plus les moyens de profiter de tout ce qu’offre Limoilou, qu’on serait pris à la gorge».
Déçus, les tourtereaux ont élargi leurs recherches et ont finalement trouvé une demeure… à Charlesbourg. Pour un prix qui respecte leur budget, ils ont une maison plus grande, rénovée, avec un terrain spacieux. Urbains de coeur, ils vivent néanmoins ce déménagement en banlieue comme un deuil, Limoilou leur manque. «Au moins, on peut aller profiter de Limoilou les soirs et la fin de semaine», se consolent-ils. Ils avaient bien espoir de retrouver un peu de vie de quartier avec le Trait-Carré et ses commerces. Peine perdue. Six mois plus tard, ils ne se reconnaissent toujours pas dans ce mode de vie du tout-à-l’auto.Loin de vouloir faire pitié, le jeune couple constate seulement que Limoilou est en quelque sorte victime de sa popularité et se demande si un point de «saturation» sera un jour atteint. «On en a profité aussi, notre condo a été facile à vendre et à bon prix», admet le jeune père.Mais force est d’admettre que l’histoire de cette jeune famille ressemble à bien d’autres dans le marché immobilier actuel, alors que la Ville se targue de vouloir garder les ménages en son centre. Les maisons unifamiliales disponibles sont rares, les grands logements offrant assez d’espace à long terme pour une famille (un jour, ils seront adolescents…) sont chers ou difficiles à trouver. Jusqu’à quel point faut-il faire des compromis pour avoir la chance d’habiter Limoilou?Dans le secteur Lairet, plusieurs maisons unifamiliales ont récemment été mise en vente à des prix oscillant entre 260 000 et 375 000$. Le hic? À ce prix, il s’agissait souvent de successions, vendues sans garantie légale et dont la description laissait entrevoir de nombreuses rénovations coûteuses à faire; fournaise au mazout désuète, cuisine et salle de bain d’une autre époque, tapis mur-à-mur et tapisserie fleurie brune en prime! Elles ont pourtant trouvé preneurs rapidement pour la plupart.Je sais, je sais, vous me sortirez cette étude qui avance que «si un ménage choisit une localisation qui lui évite l’achat d’un véhicule supplémentaire, il peut sûrement se permettre d’acheter une maison plus chère de 200 000 $.»Même si je suis convaincue des coûts élevés de l’automobile et des avantages indéniables de la ville, je ne peux qu’avoir quelques bémols quand on y affirme que la vie urbaine permet d’envisager une hypothèque de 760 000 $ pour un couple avec deux enfants! Si vous réussissez à convaincre votre banquier de vous prêter autant d’argent sur la seule base de votre mode de vie urbain, changez de banque!
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