Le bonheur est dans la fermette urbaine
Je m’en vais au marché, je mets dans mon p’tit panier… Trois œufs frais, des tomates cerises, des haricots et des pois verts!Ça y est, vous avez la comptine dans la tête?Sauf que dans ce cas-ci, vous devrez remplacer «au marché» par «chez des voisins, à deux rues de chez moi, en plein Limoilou».Les voisins, ce sont Tess Leblanc et Fabien Lauzier. La source de ce panier débordant de fraîcheur? Leur prolifique potager urbain dans lequel trois jolies poulettes —une blanche, une rousse et une noire— gloussent, caquettent, picossent et s’ébattent dans leur condo fait sur mesure. Non, Tess et Fabien ne sont pas de grands propriétaires terriens, ils sont locataires. Leur domaine emprunté ne se mesure pas en hectares, il fait tout au plus 900 pieds carrés, compte peut-être cinq ou six pièces et est situé au troisième étage d’un immeuble à logements tout ce qu’il y a de plus commun dans le secteur. À ceci près que la cour arrière est transformée en un véritable oasis de verdure.À côté du poulailler, dans des pots recyclés et sagement alignés, le couple cultive plus de variétés que ce texte pourrait me permettre de nommer: céleri, pommes de terre, carottes, haricots, tomates, pois, poivrons, fines herbes et quelques plants de houblon. Les deux balcons de leur appartement débordent aussi de plants divers.
L’amour et la terre
Lui travaille pour une entreprise horticole dans le jour. Elle, Acadienne à l’accent mélodieux, enseigne l’art dramatique au secondaire pendant l’année scolaire. Ils se sont connus en étant voisins dans ce même immeuble. Tess cultivait son balcon, Fabien entretenait les plates-bandes. Entre eux, l’amour a germé et leur passion commune a convergé dans la cour arrière.Ensemble, ils m’expliquent en détail la réalisation de leur potager avec, au fond des yeux, l’étincelle de ceux qui touchent à leur rêve du bout des doigts. Ce rêve, bien sûr, c’est une fermette bien à eux, pas trop loin de la ville pour que Tess puisse continuer à enseigner, et pas trop grosse parce qu’ils ont bien les pieds sur terre. Présentement à la recherche de ce havre de paix, ils ont pensé à tout: ce qu’ils allaient cultiver, comment ils allaient le faire, les rendements et le travail des premières années.Quand je demande à Fabien s’il n’a pas peur de se retrouver à travailler sans relâche, que la vie de fermier n’est pas toujours facile, il sourit; il le sait bien, mais il sourit.
Je travaille dix heures par jour pour mon employeur et quand je reviens ici, la première chose que je fais, c’est de travailler dans le jardin. Pour moi, avoir ma propre fermette, c’est la retraite!»
Ton voisinage tu cultiveras
Évidemment, on ne s’improvise pas aviculteur en ville sans quelques risques de déranger. Officiellement interdite à Québec, la possession de poules semble néanmoins tolérée, pour peu qu’il n’y ait pas de plaintes. À ce sujet, les deux fermiers urbains prennent grand soin que leurs protégées n’importunent pas les gens du quartier, mais assurent qu’autant le propriétaire de l’immeuble que les voisins immédiats ont plutôt bien accueilli les nouvelles venues, surtout qu’ils ont pu bénéficier d’œufs frais du jour.Le poulailler attire bien sûr petits et grands curieux, au point où Tess avoue avoir dû demander aux voisins d’éviter les attroupements le soir, parce que cela énervait les poules et causait du bruit. Sur ce point, j’oserais dire que le son des caquètements me semble bien léger et beaucoup moins agressant que celui, incessant, de l’autoroute Laurentienne située à quelques centaines de mètres de là…Mais justement, ces attroupements ne démontrent-ils pas aussi qu’un simple jardin et quelques poules peuvent suffire à recréer l’esprit de village, à retisser des liens entre voisins? Je me surprends soudainement à rêver d’un Lairet autosuffisant et solidaire, tiens! À défaut d’avoir une épicerie…Ne reste plus qu’à espérer que la Ville de Québec assouplisse ses règles en matière d’élevage de poules en ville, comme l’a dernièrement fait Chambly.
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