Campagnes de sociofinancement des commerces : et après ?

Dès l'entrée du Café culturel Intercambio, on pouvait voir un panneau remerciant les contributeurs du projet sur La Ruche Québec.
Dès l’entrée du Café culturel Intercambio, on pouvait voir un panneau remerciant les contributeurs du projet sur La Ruche Québec.

Café culturel Intercambio, Pizzeria Gemini, Vert Lime Traiteur, Le Triplex Suspendu, Création Les Gumes… Voyez-vous un point commun entre tous ces commerces de Limoilou qui ont fermé en 2015 ? Et bien, ils ont tous eu recourt, à un moment ou un autre de leur existence, à une campagne de sociofinancement, notamment sur la Ruche Québec. À tort ?

Ouvrir son commerce grâce à une campagne de sociofinancement

Avec l’émergence des médias sociaux, il n’est plus rare de voir des (futurs) entrepreneurs faire appel à la générosité des citoyens, via des campagnes de sociofinancement, pour réaliser leur rêve. Le principe sur La Ruche Québec, par exemple : pendant trois mois maximum, l’initiateur fait appel à son réseau pour encourager financièrement son projet d’entreprise.la-ruche-commerce-limoilouLe contributeur intéressé fait un don de la somme qu’il désire, en échange d’un service ou de produits que proposera le futur commerce. Cela permet donc à l’entrepreneur de se garantir une première clientèle, avant même qu’il démarre son activité, tout en récoltant de l’argent pour concrétiser son objectif.C’est le cas des trois associés du Café culturel Intercambio qui, au cours de l’automne-hiver 2014, avait lancé une campagne de sociofinancement sur La Ruche Québec afin de récolter les 7 500 $ nécessaires pour ouvrir sur la 1ère Avenue. Succès : ils récoltent 7 597 $ et arrivent à 101 % de leur objectif initial. Parmi les 127 dons, on remarque, sur leur page, deux contributions du montant maximum de 1 000 $, appelé « La Commandite Plus », permettant à « (un) organisme ou une compagnie d’être le commanditaire officiel d’une soirée thématique de (son) choix ».

S’autofinancer pour compléter son objectif

annik-de-celles-creations-les-gumes-fermetureUne pratique pas rare non plus : des dons conséquents surgissent, bien souvent, en fin de campagne. De quoi se demander si l’entrepreneur ne se finance pas lui même dans cette dernière ligne droite, afin de pouvoir toucher l’argent récolté. En effet sur La Ruche Québec, l’initiateur de la campagne ne perçoit les fonds amassés que s’il a atteint son objectif financier au terme des trois mois. Donc s’il n’a récolté que 2 655 $ sur le total fixé à 35 000 $, cas de Créations Les Gumes, il ne touchera rien. Même situation pour Vert Lime boutique qui n’avait amassé que 425 $ sur 4 000 $, malgré les 140 partages sur la toile. Les deux commerces ont tout de même vu le jour sans l’argent de leur campagne.Si sur d’autres plateformes de sociofinancement telles que l’américaine Indigogo, il est possible de percevoir le montant de sa campagne, que l’objectif soit atteint ou non, pour Maud Rhéaume, responsable de la Ruche Québec, cette « contrainte » est une certaine sensibilisation à la vie entrepreneuriale :

vert-limeC’est comme si vous vouliez acheter un four à 10 000 $. Si vous ne les avez pas, vous ne pouvez tout simplement pas l’acheter. Même si vous économisez jusqu’à 9 500 $, vous n’aurez pas les moyens de vous l’offrir. Et bien pour un projet d’entreprise, c’est pareil. On souhaite que le futur commerçant soit conscient de ça dès le départ. Après, il n’y a aucune règle qui interdit au contributeur de se verser le montant restant pour atteindre son objectif.  »

Cependant, Maud Rhéaume est bien clair avec les futurs entrepreneurs, une campagne de sociofinancement ne sert pas à assurer la totalité de son fond de commerce :

Quand une personne soumet son projet de campagne à la Ruche Québec, on lui demande de nous donner des preuves d’autres ressources qu’elle a pour assurer le démarrage de son entreprise. Le financement doit donc déjà être bien avancé. La Ruche Québec est un levier financier pour conclure un projet, on ne le prend donc pas à son état embryonnaire. »

Du soutien, mais pas de recette miracle

« Un tiers des campagnes sur La Ruche concerne des entreprises commerciales dont 36 dans la Cité-Limoilou. C’est l’arrondissement le plus populaire pour ce genre de projet, après Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge », énonce Maud Rhéaume.sociofinancement-commerce-limoilouDepuis ses débuts en juin 2013, la plateforme de Québec assure un suivi et un soutien envers les initiateurs, pendant toute la durée de leur collaboration. Avant même de soumettre sa campagne en ligne, chacun d’entre eux présente sa page, avec les récompenses proposées aux contributeurs, devant huit à quinze ambassadeurs du site. Ces derniers lui donnent ensuite des astuces et des conseils pour optimiser la levée de fonds. Libre à l’entrepreneur de les appliquer par après ou non.

Généralement, on voit assez vite si la personne va atteindre son objectif ou non. Par l’attrait des récompenses c’est certain, mais aussi par la promotion qu’elle en fait auprès de son réseau et le bouche à oreille qui en ressort. Savoir bien en parler fait aussi la différence. Quand les médias s’y intéressent, ça aide clairement également. Si l’initiateur applique nos conseils, ça fonctionne bien aussi, bien qu’il n’y ait pas de recette miracle. Quoiqu’il en soit, faire une campagne de sociofinancement c’est énormément d’investissement de temps », précise Maud Rhéaume.

Opération de sauvetage

triplex-suspenduUne campagne sur La Ruche Québec a aussi permis au Triplex Suspendu de recommencer son activité à la suite d’un cambriolage survenu en janvier 2015. Résultat : 7 625 $ récoltés sur l’objectif initial de 5 500 $. Malgré l’engouement populaire, Le Triplex Suspendu a fermé inopinément huit mois plus tard, le copropriétaire Jean-Laurence Seaborn se déclarant, sur Facebook, submergé par la gestion du restaurant en plus de son autre activité professionnelle et de sa vie de famille.« On trouve ça bien plate et on ne reste pas insensible à ce genre de fermeture. Mais le mandat de la Ruche s’arrête à la fin de la campagne et nous ne sommes pas là pour assurer la viabilité du commerce ensuite », déclare Maud Rhéaume.Quartier Saint-RochDébut septembre, c’est Pizzeria Gemini qui a annoncé sa fermeture alors qu’elle avait bénéficié d’un sauvetage financier des citoyens pour ses deux restaurants de Limoilou et Saint-Roch en 2013. Un comité de soutien avait spontanément lancé une collecte de fonds via la page Facebook Québec aime Pizzeria Gemini à la suite d’une annonce de fermeture potentielle. Chaque donateur donnait 50 $ en échange de deux pizzas. Grâce à ces promesses d’achats, la pizzeria a récolté 25 000 $. Un an plus tard, la page Facebook Gemini Limoilou annonçait une fermeture imminente.Maud Rhéaume nous le disait en entrevue : « Des plateformes, comme La Ruche Québec, veulent démocratiser le mot entreprendre ». Pour autant, est-ce que tous les entrepreneurs, qui passent par des campagnes de sociofinancement, sont prêts et armés pour gérer les aléas du monde des affaires ? Et vous, avez-vous déjà aidé financièrement un commerce qui a finalement fermé ? Vous sentez-vous déçus ou frustrés ?

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