Programme Accès Famille : bye bye centre-ville

A priori, un programme de rétention des familles tel que celui d’Accès Famille sur le territoire de la ville de Québec devrait nous réjouir. Malheureusement, lorsqu’on commence à en analyser les critères d’admissibilité, on se rend compte qu’on parle plutôt d’un programme « Accès Périphérique ».

Annoncé il y a quelques semaines par la Ville de Québec, ce programme m’a d’abord laissé un brin sceptique, car j’ai tendance à croire que de réussir à économiser pour assumer la mise de fonds de 5 % permet de valider qu’on a les reins financiers assez solides pour devenir propriétaire. Mais il est vrai qu’il peut être difficile d’économiser dans notre monde de consommation ; pour ceux-là, payer une hypothèque tous les mois tend à faciliter l’accession à un premier placement immobilier. Accès Famille avait peut-être du bon, finalement…… mais à quel prix ? Si le projet donne en apparence un coup de pouce aux familles qui n’ont pas été propriétaires depuis cinq ans et qui ont des revenus familiaux bruts maximaux de 90 000 $ à 110 000 $ selon le nombre d’enfants, on peut se demander combien en auront véritablement les moyens… ou encore, où ils en auront les moyens.

Exit le centre-ville

Par exemple, le programme privilégie seulement les constructions neuves, excluant tout le parc immobilier déjà existant et à rénover de la ville de Québec. Or des unités neuves en ville comme à Limoilou, c’est cher et plutôt rare. Le nouveau projet de l’écoquartier Pointe-aux-Lièvres propose ses unités de deux chambres à partir de 255 300 $.Sauf qu’un autre critère stipule que 80 % des projets doivent avoir un minimum de 3 chambres avec des superficies minimales et un balcon. C’est une mesure pavée de bonnes intentions, mais qui vient réduire considérablement les chances de voir un projet admissible à Limoilou ou au centre-ville de Québec.En fait, d’après mes recherches sur les sites populaires d’immobilier, un seul projet semblait respecter les critères de ce programme, à Saint-Sauveur. Il était évalué à 194 350 $. Les quatre unités se sont vendues très rapidement.

À qui s’adresse véritablement ce programme ?

Bref, je ne crois pas que ce programme s’adresse aux promoteurs du centre-ville. Les terrains coûtent chers et les projets qui y naissent ne comportent que très rarement des unités à plus de deux chambres et encore moins à prix abordables. Ce programme s’adresserait donc aux promoteurs de la périphérie de Québec, qui pourront offrir une bonification alléchante aux jeunes familles susceptibles d’être attirées par les banlieues en pleine croissance comme Shannon, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier ou Sainte-Brigitte-de-Laval.Pour un peu, alors que la bonification est offerte aux projets qui comportent de 4 à 15 unités, on pourrait voir dans ce programme la volonté de la Ville d’atteindre les objectifs de densification graduelle qu’elle a formulés dans son plan de développement en 2010.

La vraie solution : faire évoluer les mentalités

Ainsi, le programme favorisera peut-être le maintien des familles dans la ville de Québec, mais pas nécessairement au centre-ville, à mon sens. Dans la foulée, il encourage (voire oblige) les familles à posséder au moins une sinon deux voitures. Or, on sait qu’avoir une voiture compacte en moins permet d’économiser en moyenne 8843 $ par année (faites votre calcul ici). Par conséquent, une jeune famille sans voiture économiserait 17 686 $ par année ; sur 25 ans, soit la période d’amortissement la plus longue pour une hypothèque, c’est 442 150 $ qu’elle pourrait investir en plus sur sa propriété.L’équation est donc pour moi plutôt simple : pour restreindre l’étalement urbain, il faut inclure le centre-ville dans le programme Accès Famille pour donner à tout le moins la possibilité aux familles de ne pas avoir de voiture. Permettre à de jeunes familles de s’installer en ville pour y vivre, avec des enfants, dans un milieu sécuritaire et sain, voilà le vrai moyen de s’enrichir collectivement, de tisser notre ville et d’éviter l’étalement urbain.