Beauport 2020 : appuis et critiques pour l’évaluation environnementale du Port de Québec
En début d’année 2017, l’évaluation environnementale réalisée par l’Administration portuaire de Québec a été jugée recevable par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Une décision saluée par les élus de la région, alors que l’étude, elle, reçoit son lot de critiques d’acteurs citoyens ou environnementaux.
Après quelques faux départs, le rapport de 1500 pages soumis par l’Administration portuaire de Québec (APQ) – accompagné de quelque 10 000 pages d’études approfondies – a finalement reçu l’aval de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), le 4 janvier dernier. Dans cette lancée, l’ACEE amorcera, le 1er février, un processus officiel d’évaluation et de consultation publique autour du projet Beauport 2020.En amont de ces présentations, l’APQ a choisi de présenter au public son étude dans le cadre d’une journée à l’esprit « portes ouvertes », qui aura lieu ce lundi 16 janvier entre midi et 20 h 30 au Terminal de croisières.
Beauport 2020 permettra la création d’un nouvel espace de développement respectueux de l’environnement et la consolidation, puis la bonification, du site récréotouristique de la Baie de Beauport. Il s’agit d’un projet structurant pour la grande communauté de Québec-Lévis. L’APQ invite les citoyens à participer à cette consultation publique », indique le président-directeur général du Port de Québec, Mario Girard, par voie de communiqué.
L’invitation de l’Administration portuaire n’a pas été reçue sans critique : pour l’organisme Nature Québec, cette proposition relève de « l’opération marketing » plutôt que de la volonté d’informer le public et d’ouvrir un dialogue avec la population :
Pourquoi l’Administration portuaire de Québec travaille-t-elle en double du processus officiel et tente de le devancer, si ce n’est pour prendre le contrôle du message ? Essaie-t-elle de faire pression sur l’ACEE ? D’obtenir la faveur des élus avant même les conclusions de l’évaluation ? » se questionne le directeur général Christian Simard, dans un communiqué diffusé le 13 janvier.
Des appuis qui font sourciller
Il faut dire également que l’appui des élus de la grande région de Québec semble déjà bien gagné pour le projet Beauport 2020.Entre autres, le maire de Québec, Régis Labeaume, a joint sa voix à celle des défenseurs du projet lors d’une conférence de presse présentée le 9 janvier.
Ce projet est majeur pour assurer la compétitivité de notre Port. C’est un des plus beaux legs que nous pouvons offrir à notre prochaine génération », a-t-il lancé, dans un extrait relayé par la plupart des médias de Québec.
Du même souffle, il ajoutera qu’il faut éviter de « diaboliser le Port ».Cet appui – en apparence inconditionnel – des élus régionaux au projet de Beauport 2020 a fait sourciller plusieurs acteurs citoyens et environnementaux dont, notamment, Jean Lacoursière de l’organisme Accès Saint-Laurent-Beauport, qui a critiqué vertement le maire de Québec dans une lettre ouverte envoyée aux médias :
Le maire Régis Labeaume réitérait aujourd’hui [le 9 janvier] son appui sans réserve au projet d’agrandissement Beauport 2020, disant qu’il s’agissait là “d’un beau legs qu’il pouvait laisser”. Des réservoirs de carburant et de produits inflammables sur les rives de la ville patrimoniale constituent un beau legs ? Scrapper encore davantage la façade maritime de Québec pour une quarantaine de jobs ? On croit rêver. »
La professeure Chantal Pouliot de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, qui avait documenté le travail de l’Initative citoyenne de vigilance du Port de Québec dans son livre Quand les citoyen.nes soulèvent la poussière, a elle aussi soulevé des inquiétudes quant aux nombreux appuis des élus.
Scruter la pensée politique et sociale des acteurs en autorités et éclairer les arguments (principalement économiques) mis de l’avant sont autant de façons de faire oeuvre citoyenne utile. Des propos comme ceux du maire contribuent à créer une turbulence discursive intimidante », explique-t-elle dans une lettre ouverte.
Par ailleurs, elle estime que, malheureusement, le discours ambiant donne l’impression que le projet d’agrandissement du Port de Québec est « inévitable ».
Le processus de consultation publique sur les impacts environnementaux du projet Beauport 2020 devrait permettre d’entendre les points de vue et les expériences de toute personne concernée par l’agrandissement du port. Toutefois, le message envoyé aux citoyens est d’une turbidité telle qu’on doit se poser la question suivante : dans un contexte aussi hostile, qui, à part des personnes dont le rapport aux autorités municipales et portuaires est particulièrement émancipé, osera mettre en doute les tenants et aboutissants de Beauport 2020 ? »
Une étude environnementale qui laisse sur sa faim
Pourtant, l’étude d’impact environnemental réalisée par le Port de Québec semble prêter flanc à plusieurs critiques.Ainsi, alors que le journal Le Soleil soulevait des questions relatives au transit de produits volatils pendant que des usagers sont présents à la Baie de Beauport ou aux importants changements structurels attendus pour ce lieu suite à l’agrandissement, Jean Lacoursière d’Accès Saint-Laurent-Beauport remettait en question, lui, le nombre d’emplois générés par le projet pour la région face à l’évaluation énoncée par l’APQ.À Nature Québec, le directeur général Christian Simard estime que, malgré la taille du rapport, plusieurs questions demeurent toujours sans réponses, notamment « ce [que le Port] fera des 40 000 mètres cubes de sols contaminés qui résulteraient des opérations de dragage nécessaires au prolongement de la ligne de quai », ou encore de quelle manière il entend « compenser la perte d’habitat majeure occasionnée par le projet et l’effet cumulatif sur certaines espèces vulnérables d’un empiétement croissant des activités humaines sur le Saint-Laurent ».
S’ajoutent à cela, les impacts des activités du Port sur la qualité de l’air, un problème avec lequel les résidents de Québec sont familiers et qui ne sera pas atténué par l’agrandissement de la zone portuaire », poursuit-il dans son communiqué.
Et la qualité de l’air dans tout ça ?
Invitée à l’émission On refait la Une à CKRL 89,1 le 6 janvier dernier, Véronique Lalande, de l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, a déploré le peu d’attention accordée à la qualité de l’air dans le document de 1500 pages :
C’est presque laconique, on évacue cette question-là […], on vient comme nier l’existence d’un problème et dire que le projet d’agrandissement ne créera rien [en termes de pollution] », a réagi l’experte-citoyenne sur les ondes de la radio limouloise.
Elle a par ailleurs rappelé la situation juridique actuelle de l’Administration portuaire quant à son bilan environnemental :
Il faut voir que c’est un promoteur qui se présente pour un projet d’agrandissement alors qu’il est devant deux recours collectifs et des poursuites du gouvernement du Québec pour son bilan environnemental. »
Questionnée par l’animateur Dominique Lelièvre au fil d’un échange d’une demi-heure, Mme Lalande a également dénoncé les « délais très courts » pour permettre aux citoyens et citoyennes de s’exprimer dans le cadre des consultations publiques de l’ACEE, espérant du même souffle que ceux-ci ne se laisseront pas intimider par la taille du rapport, et n’hésiteront pas à prendre la parole lors de ces séances.Pour écouter l’entrevue intégrale de Véronique Lalande à CKRL :https://soundcloud.com/ckrl891/exclusif-veronique-lalande-pas-impressionnee-par-letude-du-port-de-quebec-on-refait-la-une
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