Depuis 2001, le programme Vincent et moi de l'Institut universitaire de santé mentale a permis à une quarantaine d'artistes, ayant eu un suivi psychiatrique, d'exposer le fruit de leur création en art. Si l'art peut être thérapeutique pour les participants, l'objectif du programme est aussi de démystifier la maladie mentale.
Galerie Vincent et moi : l’art au-delà de la maladie mentale

L’artiste invitée Christine Simard, l’artiste du programme Vincent et moi Johanne Vallée et l’art-thérapeute Stéphanie Mélançon, réunies au vernissage des expositions Amalgame émotionnel et Paysages oniriques le 19 janvier dernier.
Crédit photo: Jessica Lebbe
Depuis 2001, le programme Vincent et moi de l’Institut universitaire de santé mentale a permis à une quarantaine d’artistes, ayant eu un suivi psychiatrique, d’exposer le fruit de leur création en art. Si l’art peut être thérapeutique pour les participants, l’objectif du programme est aussi de démystifier la maladie mentale.
Il y avait toujours des dessins et des peintures sur le bord de la porte dans l’ancien atelier de l’Institut. François Bertrand [le fondateur de la Galerie Vincent et moi] y passait régulièrement et il voyait des œuvres super belles. Il se disait ”ça n’a pas de bon sang qu’elles ne soient pas exposées”. De là, ça a vraiment été la motivation pour faire sortir les œuvres », raconte Stéphanie Mélançon, agente de planification, programmation et recherche du programme Vincent et moi, à propos de la fondation du programme d’accompagnement artistique.
D’une première exposition avec six artistes en hébergement au CIUSSS en 2001, Vincent et moi accompagne aujourd’hui une quarantaine d’artistes et détient une importante collection de près de 1000 œuvres, dont bon nombre d’entres elles sont exposées dans les couloirs de l’Institut. Ces dernières sont d’ailleurs accessibles par un système de prêt pour qu’elles puissent voyager dans des organismes publics, dans les bureaux des employés du CIUSSS ou dans le secteur privé sur contribution financière.
Pour être admissible au programme Vincent et moi, l’artiste, formé en arts visuels ou autodidacte, doit avoir une pratique artistique soutenue depuis au moins cinq ans et avoir eu un suivi psychiatrique au sein de la Capitale-Nationale, qu’il soit en cours ou terminé.
« On veut démystifier la maladie mentale en montrant que ça n’impacte pas la qualité d’une oeuvre d’art. Les gens de l’extérieur sont souvent surpris de le constater », indique Stéphanie Mélançon.
Le programme Vincent et moi favorise aussi des projets de médiation culturelle pour créer des échanges entre les artistes, les milieux de soins et les citoyens. C’est le cas de la prochaine exposition Par la bande, qui aura lieu du 15 au 26 mars 2018. En collaboration avec le Festival de la BD francophone de Québec, Vincent et moi permet à Denis Belleau, artiste de son collectif, d’être exposé aux côtés de deux bédéistes de renom de la Capitale-Nationale, soit Richard Villerand et Paul Bordeleau. Grâce à la médiation culturelle, la galerie peut accéder à un public qu’elle ne rejoindrait peut-être pas en temps normal.
C’est sûr que c’est toujours un défi de se faire connaître, car la galerie est située dans un établissement de santé. Ce n’est pas tout le monde de l’extérieur qui ose pousser la porte pour venir voir de l’art ici », confie l’agente de planification, programmation et recherche.
Faciliter l’accès à la création
Afin que les artistes du programme aient accès à un espace de création, Vincent et moi met à disposition, depuis 2015, un atelier ainsi qu’un soutien financier pour l’achat de matériel artistique supplémentaire. Les artistes ont le choix entre des plages d’ateliers libres et des plages d’ateliers dirigés, où deux professionnels viennent travailler avec eux chaque semaine pour les accompagner ou les diriger dans leur création.
Johanne Vallée, artiste autodidacte qui présente actuellement son exposition Amalgame émotionnel à la galerie, confirme que l’accès à l’atelier lui a donné plus de moyens pour peindre :
J’ai commencé sur des petites toiles du Dollorama, parce que ce n’était pas cher d’en acheter là ! Grâce à l’atelier, je ne peins plus chez nous maintenant. J’y viens plusieurs fois par semaine de 9 h à 15 h à peu près. À partir de l’été, j’aimerais d’ailleurs y venir plus souvent. Le fait de venir y travailler, entouré d’autres artistes, c’est ça qui est stimulant aussi, plutôt que de peindre tout seul dans son coin.
L’autodidacte a intégré le programme en 2012. Sept de ses œuvres font maintenant partie de la collection Vincent et moi, et elle compte bien en soumettre une supplémentaire lors de l’appel de projets en mars prochain.
J’ai commencé par colorier des mandalas, car je me suis rendu compte que les couleurs me faisaient du bien lorsque j’ai fait plusieurs dépressions majeures. C’est lors de mes arrêts de travail que je me suis mise à peindre. J’ai tellement produit de toiles pendant huit ans, que j’ai fini par en jeter 300, dont beaucoup étaient des esquisses, lors de mon déménagement. J’expérimentais plein de choses et je continue de le faire aujourd’hui. J’ai découvert que j’étais une artiste chronique ! » relate-t-elle.
Dans l’exposition Amalgame émotionnel, chaque couleur, couche et mouvement des 27 toiles de Johanne Vallée représente une émotion : « C’est vraiment comment je me sens dans le moment présent, ce que je couche sur la toile. » Elle constate d’ailleurs que la gaieté revient souvent et que le doute parsème son oeuvre : « Les émotions s’entremêlent parfois aussi », confie-t-elle.
Exposer et se faire confiance
Au moment de choisir les œuvres à exposer, les artistes doivent se faire confiance, mais ils sont aussi amenés à faire confiance aux recommandations des autres :
Quand je voyais mes toiles prêtes à être exposées, je me disais qu’elles étaient ordinaires. Y en a que je n’aurais même pas mis dans l’exposition, car pour moi, c’était plus de l’expérimentation ou du défoulement. Mais Stéphanie Mélançon et les artistes professionnels m’ont parfois incitée à le faire. Finalement, une fois exposées sur les murs avec l’éclairage qui va bien, je me dis que ce n’est pas si pire », rit Johanne Vallée.

Lors de l’exposition, les œuvres de l’artiste de Vincent et moi sont présentées en parallèle de celles d’un artiste émergent ou établi hors programme. « C’est une façon d’établir des liens avec la communauté artistique de Québec et notre collectif », indique Stéphanie Mélançon.
On ne précise d’ailleurs pas toujours quel est l’artiste qui fait partie du programme Vincent et moi pour ne pas faire de distinction. On n’évoque pas non plus la maladie mentale qu’a ou qu’a eue l’artiste – à moins qu’il y tienne particulièrement -, ce n’est pas là l’intérêt. On s’intéresse d’abord et avant tout au travail artistique.
Jusqu’au 1er mars, Johanne Vallée expose donc aux côtés de la photographe Christine Simard, qui présente Paysages oniriques. Dans ces photographies abstraites et figuratives, Christine Simard propose des extractions de matières diverses captées dans la nature, à Québec ou en campagne au bord du fleuve : vieille peinture, rouille, roche, eau, herbes, glace, reflets, givre, containers, avec le temps qui fait son travail… Si certaines couleurs paraissent irréelles dans la nature, la photographe confirme qu’elle ne retouche rien et ne fait que rehausser le contraste ou l’ombrage.
Le jumelage avec Johanne Vallée ?
C’est intéressant parce que les couleurs de sa peinture abstraite peuvent ressembler à celles que je fais ressortir dans mes photographies. Il y a des couleurs avec lesquelles je préfère travailler comme le bleu et le turquoise, qui se retrouvent d’ailleurs dans les peintures de Johanne. C’est donc une belle association », affirme la photographe.
Exposer à la galerie, c’est aussi l’occasion de pouvoir vendre ses œuvres pour la première fois. Certains artistes de Vincent et moi ont aussi la possibilité de les exposer et de les vendre à l’Hôtel 71 dans le Vieux-Port, qui permet de faire rayonner leur travail au-delà de la galerie.
Vous pouvez visiter la galerie Vincent et moi du lundi au vendredi de 13 h à 16 h. Entrée gratuite. Christine Simard organise des visites guidées de son exposition Paysages oniriques les fins de semaine jusqu’au 1er mars. Vous pouvez la rejoindre en contactant la galerie.
Galerie Vincent et moi
Institut universitaire de santé mentale
2601, chemin de la Canardière
418 663-5000
Pour en savoir plus ...
2601, ch. de la Canardière, Québec (Québec), G1J 2G3
2601, ch. de la Canardière Québec (Québec), G1J 2G3