Le Cégep Limoilou soulignera le 12 juin prochain la retraite de son directeur général. Louis Grou nous confie ses réflexions au terme d'une fructueuse carrière, son principal legs étant, à ses yeux, la Fondation qu'il a mise sur pied en 2002.
Diplômé en récréologie, Louis Grou a d'abord œuvré dans le réseau communautaire des Bois-Francs. Après deux ans d'animation à la vie étudiante à l'école secondaire de Saint-Pierre-les-Becquets, le Trifluvien s'installe à Québec, avec sa jeune famille, en 1989.
« Dès mon arrivée au Cégep Limoilou, ça m’a intimidé, de passer d'une polyvalente de 600 étudiants à une institution de plus de 6000 ! » avoue d’entrée de jeu le directeur général.
Mais j’étais avant tout motivé, comme conseiller à la vie étudiante et responsable du volet Sports, à mettre les installations non seulement au bénéfice des étudiants, mais aussi de l’ensemble de la communauté. J’ai acquis une telle confiance en moi que j'ai voulu relever d’autres défis, si bien qu'on m’a ainsi confié de nouvelles tâches une douzaine d’années plus tard.
Vers 2002, Louis Grou entreprend dans les écoles secondaires une tournée de promotion du Cégep Limoilou. Au même moment germe l’idée d’une fondation car, dit-il, « nous étions pas mal les seuls à ne pas en avoir dans le réseau des 48 cégeps ». Fort de son expertise en campagnes de financement aux Sports, il accepte l'offre du directeur général de l'époque, Maurice Carrier : créer la Fondation du Cégep Limoilou. Il y occupera le poste de directeur exécutif.
J’ai mis en place un conseil d’administration, et nous avons planifié les premières activités philanthropiques. Les étudiants ont collaboré à la Fondation à raison de 5 $ par session, et on a été en mesure de recueillir les premières sommes pour différents projets », témoigne Louis Grou.
Une fondation ancrée sur des valeurs personnelles
Outre ses responsabilités à la Fondation du Cégep Limoilou, Louis Grou a cumulé les fonctions de directeur des affaires étudiantes et communautaires et de directeur du campus de Charlesbourg, qui l'ont mené, en 2011, à sa nomination à la direction générale.
« La Fondation, c'est ce que je suis le plus fier d'avoir réalisé », dit-il sans hésiter. Depuis son lancement, les sommes recueillies - plus de 4,5 M $ - ont permis, entre autres, la réfection de la salle Sylvain-Lelièvre et l'aménagement d’un terrain de football au campus de Charlesbourg. Non seulement la Fondation du Cégep Limoilou remet aussi annuellement plus de 300 000 $ en soutien direct à des étudiants, mais elle chapeaute depuis 2015 l’approche novatrice Connaître pour accompagner + (CPA+). Le « Projet réussite » du CPA+ en particulier, qui vise la persévérance scolaire, et auquel d’autres cégeps ont adhéré, appuie une cause très chère à Louis Grou, considérant son cheminement de vie.
L'un des arguments du Projet réussite, c'est que le défi de réussite personnelle est inégal quand on vient par exemple d'un milieu socioéconomique modeste, que nos parents sont moins scolarisés ou immigrants. [...] Pourtant, il y a des façons particulières d’accueillir et d’accompagner ces étudiants. Des profs ont accepté de jouer un rôle de coordonnateurs : s’ils observent par exemple qu'un élève est toujours assis dans son coin ou s'absente une fois sur deux, on peut lui offrir de l'aide. [...] Comme les chances de réussite sont moindres au cégep après une moyenne faible au secondaire, notre message au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur est le suivant : ce constat devrait être le guide à appliquer à chaque étudiant dans son modèle de financement actuellement en révision », insiste-t-il.
Louis Grou se dit tout aussi fier d'« avoir passé au travers de cinq années de compressions budgétaires », en gardant son personnel mobilisé « avec ce même sentiment d'appartenance partagé avec les étudiants ».
On parle de 1,5 M $ qu'on ne pouvait pas appliquer sur les enseignants, la composante « tant d'étudiants, tant de profs » du modèle de financement étant protégée. Ce contexte difficile ne nous a pourtant pas empêchés de mettre en branle des projets majeurs comme le nouveau DEC bilingue en gestion de commerces ou le jardin sur le toit avec ses ruches », fait-il remarquer.
En trois décennies, le directeur a pu observer à quel point « les jeunes sont devenus structurés, hyper branchés, ouverts sur le monde ». Il souligne que beaucoup de ses étudiants effectuent par exemple des stages de génie industriel à Paris, ou de gestion hôtelière à Banff.
Louis Grou constate de plus une nette évolution de la diversité culturelle dans son institution.
Elle est plus marquée, par exemple, qu’à F.-X. Garneau. Les gens issus d’autres pays s'installent davantage dans les quartiers centraux, où les logements sont plus abordables. Pour moi, c'est une richesse : en côtoyant ces étudiants, on s'ouvre aux différences. [...] Nos programmes comme génie mécanique ou électrique font en sorte que notre ratio de gars est de 50 % [sur l'ensemble de la communauté étudiante du Cégep], contre 60 % filles en moyenne dans le réseau [collégial] », ajoute-t-il.
Croire en l'avenir en demeurant actif
En 1967, 12 cégeps ont vu le jour au Québec, dont Limoilou - auparavant l'Externat Saint-Jean Eudes. Dans le cadre du 50e anniversaire, Louis Grou tient à rappeler cet événement d'octobre dernier auquel ont participé 50 ex-diplômés issus de la cohorte des 60 000 qui ont franchi les portes du Cégep.
Des personnalités comme Gertrude Bourdon, PDG du CHU de Québec, Yvon Charest, PDG de l'Industrielle Alliance, et Jean-Michel Anctil [humoriste] ont accepté notre invitation pour remettre 50 bourses de 1000 $ à 50 étudiants, un chiffre symbolique. Cet automne, on identifiera d'ailleurs des locaux aux noms de ces gens qui ont marqué notre histoire : pourquoi pas une plaque « André Robitaille », par exemple !
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Une nouvelle vie se pointe donc pour le futur jeune retraité du Cégep Limoilou qui évoque, entre autres nouveaux défis à relever chez ses successeurs, la transformation numérique, incluant la formation à distance.
« Le 12 juin, la nostalgie sera au rendez-vous : on s'attache à un milieu de vie, surtout après 29 ans », anticipe-t-il. Toutefois, le directeur général compte demeurer encore longtemps actif dans « son » cégep, « mais plus au rythme de 50 heures par semaine ». Il entrevoit accompagner de jeunes cadres, et surtout, poursuivre dans la philanthropie au sein de la Fondation.
Et après ?
Comme tout le monde, j'espère que les gens se souviendront de moi comme une bonne personne, ayant de bonnes valeurs. Un peu à l'image de notre publicité « La réussite est humaine », conclut Louis Grou avec optimisme.