L’Aubergine souligne en grand ses 46 ans et ½ avec un nouveau court métrage d’animation illustré par Francis Desharnais racontant l’histoire de cette compagnie d’art clownesque. Rencontre avec le bédéiste et la directrice artistique de L’Aubergine Véronika Makdissi-Warren.
Fondée en 1974 par Lina Vachon, Josette Déchène et feu Paul Vachon, L’Aubergine (connue à cette époque sous le nom de L’Aubergine de la Macédoine) a fait sa marque au Québec, au Canada et sur la scène internationale.
À ce jour, plus de 60 créations pour jeune public, public familial et pour des événements d’envergure ont vu le jour. Des centaines de milliers de spectateurs, chez nous mais aussi aux États-Unis, en France, en Espagne et au Mexique, ont pu assister à des prestations ou spectacles de L’Aubergine.
Habituellement, les institutions fêtent leurs anniversaires aux cinq ans ou aux 10 ans. Pourquoi souligner ce 46e et demi?
« Les clowns ne font jamais les choses de la même façon que tout le monde, répond Véronika Makdissi-Warren en entrevue. Aussi, c’est pour faire un petit clin d’œil aux enfants qui disent ”Moi, j’ai 11 ans et demi”. Il y a là une façon un peu ludique et naïve, comme le clown. Le clown est très près de l’enfance. »
Plusieurs générations d’enfants ont assisté aux productions de L’Aubergine. D’anciens jeunes spectateurs, maintenant parents ou grands-parents, y amènent désormais leurs petits. « Les spectateurs nous suivent de génération en génération », lance la femme de théâtre. Cette notion de « génération » se vit même au sein de l’organisation : Émilie Vachon, la directrice générale de L’Aubergine, est la fille de Paul Vachon et Josette Déchène.
Court métrage
La petite histoire de L’Aubergine, d’une durée de 4 min 50, dépeint de manière originale le parcours de cette compagnie faisant partie du paysage culturel de Québec.

Crédit photo: Julie Rheaume
Outre Francis Desharnais aux illustrations, ces artisans complètent l’équipe de création du petit bout de film : Mario Villeneuve à l’animation, Pierre Langevin à la musique et Mme Makdissi-Warren à la direction artistique.
Les dessins ont été faits à la main, au crayon feutre et à l’aquarelle. L’animation a quant a elle été effectuée par ordinateur, précise M. Desharnais lors de notre entretien.
« Je devais prévoir mes éléments en fonction qu’ils allaient être animés. Par exemple, on voulait que la tête (des personnages) puissent bouger. J’ai fait la tête séparée du corps et, à l’ordinateur, Mario (Villeneuve) est venu la replacer au bon endroit. Il pouvait ainsi faire bouger uniquement la tête », explique Francis Desharnais.
Les décors ont aussi été créés de façon séparée.
« Essayer de synthétiser ces 46 ans et demi en 4 minutes, ce n’est pas une tâche simple », raconte M. Desharnais. La directrice artistique de L’Aubergine l’a donc guidé quant à l’histoire et aux moments marquants de la compagnie. Elle a aidé le bédéiste à « parler des bonnes choses », dit ce dernier.

Mme Makdissi-Warren souhaitait que le scénario du court-métrage se fasse en trois étapes. Elle voulait d’abord décrire ce qu’est un clown, parler des productions de L’Aubergine et ensuite, des tournées de la compagnie. « C’est ce qu’on a fait! »
Au cœur de l’histoire : Paul Vachon, qui a su bien s’entourer pour éventuellement « former la grande famille de L’Aubergine d’aujourd’hui ». Rappelons que M. Vachon est décédé d’un cancer en 2011. « Dans les commentaires que l’on reçoit au sujet du court-métrage, il y a beaucoup d’amour pour Paul », dit-elle au sujet de ce regretté pilier de la culture.
Des valeurs qui restent
En 46 ans, le monde a beaucoup changé. Les enfants de l’époque n’avaient évidemment pas accès aux mêmes divertissements qu’aujourd’hui tels qu’ordinateurs, tablettes, téléphones intelligents, films ou émissions sur demande et internet. Les jeux vidéo en étaient alors à leurs premiers balbutiements et n’étaient pas répandus comme dans les années 1980 ou actuellement. Comment L’Aubergine a-t-elle ajusté son offre en fonction de l’évolution de la société et des goûts des jeunes?
« Les grands thèmes universels restent toujours les mêmes, que ce soit l’amitié, le jeu, l’amour. Le clown est très près du jeu de l’enfance, des jeux de l’enfant. Les enfants se retrouvent justement avec des jeux très simples. Je pense que, pour eux, venir voir un spectacle de clown, même si on utilise des procédés classiques, ils ne les connaissent pas, les procédés classiques! (…)!De faire redécouvrir cet art, qui est vraiment très artisanal, c’est ça qu’on aime! », répond la directrice artistique.
« (On ne fait pas) d’effets pyrotechniques ou de vidéo dans nos spectacles. C’est vraiment l’acteur et toutes les possibilités de l’acteur, de jouer, d’évoquer, d’être ludique, de faire de la musique (qui sont au cœur des productions) », enchaîne Véronika Makdissi-Warren.
La crise sanitaire
La présente crise sanitaire secoue durement le milieu culturel. Comment L’Aubergine passe-t-elle à travers cette situation?
« C’est difficile. On ne pourra pas se le cacher. Lorsque s’est tombé, le 13 mars, le vendredi 13, nous étions avec l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) pour Circus Opus. Ils ne sont pas montés sur scène, évidemment. Ensuite, il y a Ripopée qui était à la Maison Théâtre (à Montréal) et qui était en tournée. On a annulé au-dessus de 80 représentations en tout, avec des équipes différentes », répond la directrice artistique.
Malgré tout, L’Aubergine, qui fait beaucoup d’animation de rue, a pu se produire à l’extérieur l’été dernier.
« On a fait quelques sorties et, avec les Gros Becs (un théâtre jeunesse qui a été cofondé par L’Aubergine), on a aussi fait le Théâtre de balcons. On a été voir les abonnés. Ça reste vivant. On essaie le plus possible de garder nos artistes en travail. On est en nouvelle création : ça s’appelle Walter Ego. Il y a aussi un nouvelle création qui s’appelle Là-bas, qui attend juste que l’on puisse retourner sur scène », poursuit Véronika Makdissi-Warren.
De plus, cette année, une « trousse artistique virtuelle », une adaptation du spectacle DADA, va quant à elle permettre de rejoindre 12 000 enfants des Maritimes.
La directrice artistique est optimiste quant à la prochaine année. « En 2021-2022, on devrait être assez présent! », lance-t-elle.
Pour ses revenus, l’organisme compte sur la vente de billets de spectacles et un coup de pouce des trois paliers de gouvernement. « Ça va quand même bien. On est dans les chanceux », dit-elle à propos de la situation de L’Aubergine.
Passé et présent
« Dès sa première création intitulée Le Monde des Légumes (1974), puis à l’époque de Gum, Bulle, Barbouillette (1979), celle de Duo et Débats (1982) ou encore celle de sCHNOUTe (1987), le clown, avec sa logique particulière, a toujours été roi et maître. La compagnie s’est démarquée, entre autres, en assumant la direction artistique de Québec fête Noël (1999-2004) présenté dans le Quartier Petit-Champlain. L’Aubergine est fière de ses dernières créations qui ont sillonné le Canada d’un océan à l’autre : Burletta (2009), DADA (2013), TerZettto (2015) et Ripopée (2018) », indique l’organisme dans un communiqué.
Plusieurs nouvelles créations sont prêtes à être dévoilées : Circus Opus, spectacle symphonique avec l’OSQ en coproduction avec Les P’tits Mélomanes du dimanche; Là-bas, trio clownesque ludique, ainsi qu’un spectacle solo fantaisiste. Celles-ci attendent le feu vert de la santé publique avant de prendre l’affiche.
Très bientôt, si jamais de drôles de personnages déambulent près de chez vous, ils seront peut-être de dignes représentants de la compagnie d’art clownesque! Du 9 jusqu’au 11 décembre, L’Aubergine devrait être présente « dans plein de quartiers de la ville de Québec », à l’initiative de la municipalité. « Je ne peux pas dire pourquoi, mais on va être là », conclut Véronika Makdissi-Warren, en laissant planer le mystère.
Voyez la vidéo anniversaire illustrée par Francis Desharnais en cliquant sur ce lien.