Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage de nouveau pour nos lecteurs ses souvenirs de jeunesse. Transportons-nous dans le Vieux-Limoilou de la fin des années 1950...
Notre enfance à Limoilou
Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage de nouveau pour nos lecteurs ses souvenirs de jeunesse. Transportons-nous dans le Vieux-Limoilou de la fin des années 1950…
Le premier souvenir que j’ai gardé de mon enfance me faisait apparaître assis au coin de la 4e Avenue et de la 6e Rue.
J’avais à peine trois ans; ma mère venait de m’habiller. C’était une belle journée d’été et j’étais sorti prendre l’air en attendant que ma mère termine d’habiller mon frère jumeau. C’est le premier souvenir que j’ai d’avoir été seul, par moi-même, dehors.
Je m’asseyais sur la grosse chaîne de trottoir en granit et je humais les pommes de route que laissait systématiquement, à chaque matin, le cheval du boulanger. Cette odeur se mêlait à celle du souffre qui embaumait tout l’environnement à proximité du moulin à papier, qu’on appelait l’Anglo.
L’Anglo et l’odeur de la pulpe font partie intégrante de mon enfance à Limoilou. L’Anglo avait été dans l’ADN de la famille depuis longtemps. Des années avant notre naissance, la vie n’était pas toujours facile. À « l’Anglo », on recouvrait les rouleaux de papier avec des couvertures de laine. Quand on n’en avait plus besoin, on les jetait à la rivière Saint-Charles. Et les gens moins fortunés, comme ma grand-mère maternelle, Cendrine, allaient les recueillir.
Cendrine les teignait et elle en confectionnait des manteaux pour ses quatre filles. Ils étaient très chauds. Ça prenait du talent pour bien les réussir. Ce n’était pas facile. Elle travaillait tard le soir pour que les manteaux soient prêts pour la messe de minuit. Et comme elle n’avait pas le temps de se faire un kit neuf pour elle-même, elle n’allait pas à la messe de minuit. Cendrine y allait très tôt, le jour de Noël, pour ne pas être vue.
Grand-maman, qui demeurait chez-nous – ou ne demeurions-nous pas plutôt chez-elle? –, frappait dans la fenêtre du salon pour me faire signe de m’éloigner des boulettes laissées par le cheval. C’était son poste de guet, lorsque nous sortions sans la présence physique d’un adulte.
Les grands-parents Hawey passaient donc régulièrement à la maison pour voir comment évoluaient les jumeaux depuis leur départ de chez eux. Jean-Maurice arrivait toujours avec une boîte de crème à glace qu’il allait chercher directement à la laiterie Laval située juste de l’autre côté du chemin de la Canardière, sur la 4e Avenue. Jean-Maurice connaissait bien le propriétaire de la laiterie, monsieur Côté. Le commis au comptoir connaissait monsieur Hawey et il avait reçu la consigne de toujours lui donner sans frais la crème glacée. De toujours, nous avons connu grand-papa comme une dent sucrée.
Limoilou était un quartier confortable. De gros ormes s’échelonnaient de chaque côté de la 4e Avenue et nous donnaient de l’ombre lors des journées chaudes. Le Vieux-Limoilou s’était principalement développé dans les années d’avant-guerre, et le quartier présentait une architecture constituée de pâtés de maisons en rangées, composées pour la plupart de trois logements en hauteur. À l’avant, très peu d’espace séparait le bâtiment du trottoir. À l’arrière, on accédait à un petit jardin : on disait une cour. Un réseau de ruelles permettait d’accéder aux jardins à l’intérieur du pâté de maisons.
Notre univers d’enfants se limitait à notre jardin, à l’arrière, et à la ruelle. Nous occupions le rez-de-chaussée, ce qui facilitait grandement notre accès à l’univers. Le propriétaire de la maison, monsieur Verville, habitait à l’étage. Il gardait un œil sur nos activités dans sa cour.
Monsieur Verville était un vieil homme et il aimait véritablement les enfants. Nous pouvions le sentir d’instinct par son attitude à notre égard. Il descendait souvent pour nous rejoindre dès qu’il nous apercevait dans la cour. Il nous offrait des fruits, le plus souvent des raisins ou une pomme, en saison. Il jouait avec nous, tout en s’assurant que nous ne nous approchions pas trop près de ses fleurs. Il était rare que son intervention était nécessaire : notre grand-mère, Cendrine, ou ma mère, Denise, étaient là toujours aux aguets pour contrôler nos élans.
Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. Son histoire de famille et de vie de jeunesse, racontée en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.
Souvenir précédent : Les soirées du Carnaval de Québec chez mes grand-parents Hawey.
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