Flore et faune locales : nos tortues urbaines

Le onzième article de cette série met en vedette un reptile dont le signalement occasionnel a attiré notre curiosité : la tortue urbaine. Nous en avons discuté avec le biologiste Guillaume Auclair, de la Société de la rivière Saint-Charles.

Flore et faune locales : nos tortues urbaines | 18 septembre 2021 | Article par Jean Cazes

Une tortue serpentine d’environ 40 cm de diamètre en bordure de la Saint-Charles.

Crédit photo: Société de la rivière Saint-Charles

Le onzième article de cette série met en vedette un reptile dont le signalement occasionnel a attiré notre curiosité : la tortue urbaine. Nous en avons discuté avec le biologiste Guillaume Auclair, de la Société de la rivière Saint-Charles.

Le saviez-vous? L’incontournable Atlas des amphibiens et reptiles du Québec recense neuf espèces de tortues indigènes sur le territoire de la province!

De ce nombre, la tortue géographique, la tortue des bois, la tortue serpentine et la tortue peinte vivent dans la grande région de Québec. Nous nous pencherons sur ces deux dernières. Ce sont les seules qu’avec de la chance, nous pouvons observer en Basse-Ville près de la Saint-Charles.

La tortue serpentine : la plus commune

L’habitat de la tortue serpentine, dans le secteur de la passerelle, où la Société de la rivière Saint-Charles l’a observée à trois reprises.
Crédit photo: Jean Cazes

En mai 2016, la Société de la rivière Saint-Charles partageait sur Facebook sa découverte d’une tortue serpentine (Chelydra serpentina serpentina). L’animal avait été surpris alors que l’organisme procédait au nettoyage des abords du cours d’eau, tout près de la nouvelle passerelle de la Tortue (!), du côté du parc de la Pointe-aux-Lièvres.

Auteur du cliché, le directeur communications, événements et développement de la Société de la rivière Saint-Charles, Guillaume Auclair, confirme qu’il s’agissait pour eux d’une première observation tangible de cette espèce. « La troisième fois dans le même secteur, en 2018, on a retrouvé une tortue morte : c’était probablement la même », présume le biologiste de formation.

Ajoutons à ces observations le signalement de la serpentine au Domaine Maizerets. Un citoyen de Limoilou nous avait aussi confié, l’an dernier, avoir vu « une grosse tortue » un peu à l’est du pont Drouin, sur la rive nord de la rivière. Cela ne surprend guère Guillaume, qui fait remarquer :

« Une grosse tortue? C’est fort probablement une serpentine, car la renaturalisation des berges de la Saint-Charles a recréé un habitat idéal pour l’espèce : difficile de l’imaginer, avant, se prélassant sur une bordure en béton! Comme cette tortue est très active le long du fleuve, on risque par le fait même de la rencontrer davantage près de l’embouchure de la rivière, là où l’espèce profite aussi de l’alternance des marées qui se fait sentir jusqu’à la hauteur du pont Scott. »

La serpentine est la plus grosse de nos tortues d’eau douce, sa carapace pouvant atteindre 50 cm. « C’est impressionnant, c’est costaud, ça a l’air d’un dinosaure! », dit Guillaume Auclair. Elle se nourrit de végétation aquatique et de petits animaux aquatiques. L’hiver, elle hiverne dans le fond envasé. Enfin, elle peut vivre jusqu’à 55 ans.

La tortue peinte : la plus discrète

La carapace de la tortue peinte peut mesurer jusqu’à 20 cm. Elle se nourrit également de végétation aquatique et de petits animaux aquatiques, et pourrait vivre plus de 55 ans à l’état sauvage..
Crédit photo: Atlas des amphibiens et reptiles du Québec / Patrice Lavigne /

Des tortues, poursuit Guillaume, ont aussi été aperçues à quelques reprises lors d’activités de canots de la Société. Elle se trouvaient en aval du boulevard Marie-de-l’Incarnation, dans le parcours de la rivière truffé d’îlots :

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« Les tortues sont très farouches. Aussitôt qu’elles voient une embarcation, elles plongent, puis restent enfouies dans la boue durant quelques heures. Difficile alors de différencier l’une de l’autre nos deux espèces locales. »

Outre la serpentine, l’autre espèce potentiellement observable en Basse-Ville est la tortue peinte (Chrysemys picta), confirme-t-il. Il commente à ce propos la photo ci-dessous, immortalisée en 2017 :

« Dans notre signalement, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) n’a pas pu prouver que c’était une tortue peinte parce qu’elle était juvénile. Cette espèce risque d’être signalée davantage en zone urbaine, tout simplement parce qu’il y a plus de gens susceptibles de l’observer. Mais on la retrouve vraisemblablement tout le long de la rivière jusqu’au lac Saint-Charles », avance Guillaume.

La tortue à oreilles rouges : l’« étrangère »

Entre 2013 et 2018, la Société de la rivière Saint-Charles a par ailleurs recensé deux tortues à oreilles rouges (Trachemys scripta elegans). Il faut savoir que cette espèce n’est pas indigène, mais bien introduite. C’est cette même tortue, si mignonne toute petite, que est vendue couramment dans les animaleries, explique Guillaume :

« Ces tortues de la Floride ressemblent un peu à la tortue peinte. Une fois relâchées dans la nature, elles réussissent parfois à survivre quelques années à nos hivers, ce qui explique leur signalement occasionnel. »

Tortue à oreilles rouges sur une souche
Tortue à oreilles rouges sur une souche
Crédit photo: MMFP

L’une de ces deux tortues, récupérée par l’organisme en 2015, avait servi dans un objectif de sensibilisation :

« Notre Donnatella avait une bonne trentaine de cm de diamètre. En grossissant, cette espèce de tortue devient plus difficile à entretenir, et c’est pourquoi des gens cherchent alors à s’en départir. On l’a hébergée un peu plus d’un an, puis une dame dans notre réseau a accepté de la garder. »

Faites part de vos observations!

Guillaume Auclair fait remarquer que le printemps est particulièrement propice pour une rencontre fortuite avec l’une de nos deux tortues indigènes :

« Les tortues sont très difficiles à voir, parce qu’en plus d’être farouches, elle se dissimulent le plus souvent sous les herbes. Mais dès que le soleil se met à plomber, ces animaux à sang froid prennent alors l’habitude de se faire “griller” en bordure de la rivière. »

Comme le rappelle toutefois l’Atlas des amphibiens et reptiles du Québec, nos tortues sauvages sont protégées en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Cette loi interdit de les chasser, de les capturer, de les garder en captivité ou de les vendre.

« Les tortues indigènes ne doivent idéalement pas être touchées, dérangées. En plus, la serpentine peut mordre solidement! On doit donc se contenter de les prendre en photo, à moins bien sûr que l’une d’entre elles se promène par exemple au parc à chiens ou au bord d’une route. Si l’on doit alors la déplacer prudemment dans son milieu, il faut prendre ensuite la précaution de bien se laver les mains car tout reptile peut être porteur de pathogènes. Par contre, si l’animal est blessé, son signalement devrait être fait au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFPQ) », ajoute le biologiste.

Cela dit, outre le MFFQ, l’Atlas des amphibiens et reptiles du Québec demeure l’outil par excellence pour faire part de vos observations, de vos photos. Ces relevés peuvent aider à protéger également le milieu naturel d’espèces à statut particulier.

Notons enfin qu’une page Facebook est consacrée aux tortues du Québec.

Lire l’article précédent de cette série : Flore et faune locales : l’asclépiade commune et ses multiples utilités.

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