Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs ses souvenirs de jeunesse. Aujourd'hui, il nous raconte une tranche de vie de sa famille des années 1920 aux années 1940.
L’Alliance Limoilou : un commerce de la famille Hawey sur la 5e Rue
Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs ses souvenirs de jeunesse. Aujourd’hui, il nous raconte une tranche de vie de sa famille des années 1920 aux années 1940.
Mon père, Jean-Pierre Hawey, que nous appelions Pierre, est né en 1928 dans l’appartement de ses parents situé au 144 (ancienne adresse) de la 5e Rue, entre la 6e et la 8e Avenue. À l’époque, on donnait naissance chez soi : c’était la norme.
Dans ce temps-là, il n’y avait pas de chauffage central. L’appartement était chauffé par le poêle de la cuisine, alimenté au bois ou au charbon. Un gros tuyau, traversant la cuisine jusqu’à la cheminée, permettait un tant soit peu de répartir la chaleur. Le matin, les enfants allaient s’habiller devant le poêle. Les chambres étaient glaciales. On prenait un bain par semaine : l’eau chaude était rare. On devait remplir des chaudrons à partir de la « tank », du réservoir de 30 gallons, et chauffer l’eau des chaudrons pour remplir le bain dans la salle de bain non chauffée.
À côté de son appartement se trouvait le commerce de la famille : l’Alliance Limoilou. Le commerce avait appartenu à mon arrière-grand-père, Jean-Baptiste, jusqu’en 1930. Par la suite, mon grand-père, Jean-Maurice, en avait pris possession. On y vendait à peu près de tout : des friandises comme des médicaments souvent non brevetés, préparés par mon grand-père, qui avait étudié en pharmacie sans terminer ses études.
Grand-papa commanditait des regroupements (surtout de jeunes) de Saint-Charles-Limoilou : des équipes de balle-molle, les Zouaves, etc. L’Alliance était devenue le lieu de rencontre de plusieurs d’entre eux. Ma grand-mère, qui tenait commerce, était réputée pour servir les plus gros cornets de crème glacée de la ville!
Dès l’âge de dix ans, Pierre, mon père, avait commencé à travailler. Il était « commissionnaire », livreur, pour Alliance Limoilou. De plus, camelot, il faisait la « run » de plusieurs journaux dans la paroisse. C’est ainsi qu’il connaissait à peu près tous les résidents du coin, à qui il offrait ses services.
Madame McGoven, une dame qui vivait seule, lui avait demandé de venir descendre ses vidanges deux fois par semaine. Elle lui donnait 0,25 $ par semaine, une véritable fortune! Pierre savait que madame McGoven était financièrement confortable. Elle travaillait pour « le Bell », comme il disait. Bell Canada, une compagnie réputée pour bien payer ses employés. Et puis, Pierre avait constaté qu’il y avait couramment des « écorces » d’orange et des bouteilles de vin vides dans ses vidanges. Elle était évidemment « d’à-plomb » pour pouvoir se payer de telles victuailles!
Avec la crise économique, mon grand-père avait dû fermer boutique. Il avait trop fait crédit à ses clients qui ne pouvaient pas honorer leur compte. Jean-Maurice s’était refusé à déclarer faillite. Il ne voulait pas « salir son nom ». Il avait mis des années à rembourser ses créanciers « jusqu’à la dernière cenne ». Ce furent des années très difficiles pour la famille Hawey.
Dans les années 1940, à l’âge de 12 ans, mon père, Pierre, avait poursuivi son travail de livreur, cette fois pour la boucherie Edmond Dion, sur la 5e Rue. Il recevait alors 0,09 $ de l’heure. Deux ans plus tard, monsieur Langlois, qui tenait alors épicerie au coin de la 8e Avenue et de la 5e Rue, lui avait offert un emploi à 0,12 $ de l’heure. Il avait accepté cette offre alléchante.
Pierre n’avait plus jamais arrêté de travailler, cumulant emploi sur emploi au cours des 40 années suivantes.
Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. Son histoire de famille et de vie de jeunesse, racontée en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.
Souvenir précédent : « Être jumeau, c’est vivre son enfance au pluriel ».
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