Mes études collégiales au Petit Séminaire

Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. L'autorité, la morale et les interdictions de l'époque sont particulièrement soulignées dans ce nouveau chapitre, au Petit Séminaire de Québec.

Mes études collégiales au Petit Séminaire | 5 décembre 2021 | Article par Monlimoilou

Le Petit Séminaire de Québec.

Crédit photo: Jean Cazes

Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. L’autorité, la morale et les interdictions de l’époque sont particulièrement soulignées dans ce nouveau chapitre, au Petit Séminaire de Québec.

J’ai fait mes études collégiales au Petit Séminaire de Québec. C’était au début des années 1970.

À cette époque, on se faisait dire que plusieurs options d’études collégiales étaient contingentées. Nous risquions éventuellement d’être refusés dans notre option de premier choix dans les cégeps, pour nous voir être dirigés vers une seconde option non désirée. C’était le cas du programme collégial « Sciences humaines ». Il menait à une foule de programmes universitaires, dont celui, très populaire à l’époque, des Sciences de l’administration, auquel mon frère jumeau et moi nous nous destinions.

J’avoue que je n’avais pas encore développé un goût, ni une vision particulière, du champ d’action dans lequel je désirais évoluer. Je suivais, en quelque sorte, mon frère. Lui savait déjà clairement sa voie à suivre et la profession qu’il entendait embrasser pour le reste de sa vie : comptable agrée, C.A.

Nos parents, pour qui nos études constituaient un objectif de vie extrêmement important, nous avaient fortement incités à postuler pour notre option première dans plusieurs collèges. Ils avaient l’espoir qu’au moins l’un d’entre eux nous accepte, quitte à devoir encore payer, en double, des frais d’études considérables dans un collège privé. Ma mère devrait prolonger son travail de caissière dans un dépanneur pendant encore quelques années.

C’était ainsi que nous avions rapidement été acceptés dans notre option d’études préférée au Petit Séminaire de Québec. Or nous devions nous engager financièrement à y aller, et cela bien avant de recevoir une réponse d’un cégep.

C’était donc sans grand enthousiasme que j’envisageais de fréquenter le Petit Séminaire. J’avais eu écho que c’était un établissement réputé pour être fermé sur lui-même, d’une autre époque, et dirigé sévèrement par des curés en soutane.

Heureusement, j’avais appris que plusieurs de mes ex-collègues de Saint-Jean Eudes, craignant eux aussi de se voir refuser leur premier choix d’option au cégep, avaient accepté, comme mon jumeau et moi, l’offre du Petit Séminaire de Québec.

De plus, signe d’une certaine ouverture au monde moderne, les autorités du Petit Séminaire avaient ouvert leurs portes à des étudiantes au niveau collégial. C’était une première en 1971. Plusieurs jeunes filles provenant des établissements secondaires d’enseignement privé se joindraient à nous : des filles des Ursulines, du collège Bellevue, etc.

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« Les voies du Seigneur sont impénétrables »

Je venais de passer mon été comme employé étudiant dans un sous-sol de la rue Pierre-Olivier Chauveau (à côté de l’hôtel de ville de Québec) qui contenait les archives des cadastres. Mon travail consistait à enregistrer, sur support électronique, la description des lots et terrains situés sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec.

C’était dans le cadre de cet emploi étudiant que j’avais réalisé avec étonnement le nombre effarant de propriétés qui appartenaient au Petit Séminaire de Québec et à l’archevêché du diocèse de Québec, notamment dans le Vieux-Québec.

À l’automne, alors que je tentais de m’adapter au régime de discipline anachronique et aux normes dépassées de l’établissement, les autorités du Petit Séminaire avaient lancé une campagne. Elle incitait les étudiants du niveau collégial à donner généreusement de leur temps pour peinturer bénévolement les logements des pauvres gens du Quartier latin.

Dans sa grandeur, le Petit séminaire faisait valoir sa générosité en fournissant peinture et pinceaux. Je soupçonnais que, dans les faits, les étudiants bénévoles constituaient une main-d’œuvre des plus abordables pour le Petit Séminaire. À titre de propriétaire, il avait le devoir de maintenir ces logements dans un certain état de salubrité…

Le Chien d’or

La galerie d’art Atelier et la taverne le Chien d’or en 1967.
Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Le midi, je me rendais régulièrement tout près, à la taverne irlandaise « Le Chien d’or » (The Golden Dog) dans le Quartier latin. L’établissement appartenait à une famille irlandaise du nom de Noonan. J’adorais leurs frites et leurs hot hamburgers.

Les curés du Petit Séminaire faisaient pression sur les étudiants pour qu’ils ne fréquentent pas ce lieu de perdition, selon eux! Et ils avaient vraiment beaucoup d’influence sur les étudiants qui avaient fréquenté le Petit Séminaire depuis leur tendre jeunesse…

Dans le journal étudiant, le directeur publiait des articles dans lesquels il dénigrait ceux qui allaient luncher à la taverne. Il les comparait aux « pauvres ouvriers sans éducation » de la Basse-Ville, qui allaient dépenser leur paie dans des tavernes après leur shift de travail. Pour les curés du Petit Séminaire, tout ce qui était « extra muros », hors de la cité étudiante, était tentation de péchés et objets du mal.

Le directeur n’avait qu’à se pointer dans le portique intérieur de la taverne afin que ses étudiants, attablés, le voient. Aussitôt, la plupart d’entre eux réglaient leur facture, dans l’épouvante, sans consommer leur repas. Le directeur n’avait pas à dire un seul mot : les étudiants sortaient sans demander leur change…

Nous, qui venions de la Basse-Ville et qui ne fréquentions le collège que depuis quelques mois, ne sentions pas le poids de l’influence des curés. Je me rappelle que nous regardions le directeur en le saluant entre deux gorgées de bière. Il nous faisait des yeux menaçants, sans plus. Il repartait derrière la cohorte des étudiants, têtes baissées, soumis à l’autorité des curés du Petit Séminaire.

Finalement, nous avions terminé les deux années du collégial au Petit Séminaire de Québec. J’avais préféré ne pas me présenter à la prise de photos des finissants. Quant à mon jumeau, avec sa chemise à carreaux et ses bottes de travailleurs, il détonnait dans le groupe d’étudiants endimanchés.

Passés date

Je me souviens très clairement de cette photo de groupe prise à la fin de la dernière année de notre cours collégial au Petit Séminaire. Bien que de facture différente de la photo des finissants des années précédentes, la photo de groupe avait été accrochée dans le corridor du collège, à la suite des photos de finissants des années précédentes.

J’ai contacté plusieurs des finissants du collégial 1973 du Petit Séminaire de Québec dans le but de retrouver cette fameuse photo. Personne n’avait conservé une copie.

J’ai aussi joint la personne responsable des archives du collège. Bien que très avenante et généreuse de son temps, elle m’a rappelé au terme de ses recherches pour m’informer qu’elle n’avait malheureusement rien trouvé concernant les finissants du Petit Séminaire au niveau collégial pour l’année 1973.

Il semble que la cohorte d’étudiants à laquelle j’ai été associé dans le cadre de mes études au niveau collégial n’ait laissé aucune trace dans les annales de cette maison d’enseignement.

Le Séminaire de Québec

Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. L’histoire de famille et la vie de jeunesse de Denys Hawey, qu’il raconte en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.

Lire l’épisode précédent des souvenirs de Denys Hawey : Jocelyn Hawey, champion de petites quilles.

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