11,5 M$ du Fonds municipal vert pour la centrale de trigénération du CHU de Québec
Une somme de 11,5 millions du Fonds municipal vert (FMV) ira à la Ville de Québec et au Centre Hospitalier universitaire (CHU) de Québec-Université Laval pour la construction d’un système de chauffage à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus.
Les 11,5 M$ incluent 10 M$ en prêt remboursable, à taux avantageux, et 1,5M$ en subvention. La nouvelle s’inscrit dans une annonce plus large, concernant plusieurs municipalités au Québec, faite lundi matin, à l’hôtel de ville de Québec. Le maire Bruno Marchand et Martin Beaumont, président-directeur général du CHU de Québec y étaient rejoints par Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé, au nom du ministre des Ressources naturelles Jonathan Wilkinson, et Scott Pearce, deuxième vice-président de la Fédération canadienne des municipalités (FCM).
« Le premier centre hospitalier pratiquement carboneutre au Québec »
Le projet au cœur de l’annonce consiste en une centrale de trigénération, a souligné le ministre Jean-Yves Duclos. Elle permettra de générer chauffage, climatisation et une partie de l’électricité nécessaires pour l’hôpital et ses bâtiments. Le projet total se chiffre à « environ 44 M$ », a résumé le ministre. Des montants de 17 M$ du Fonds d’infrastructures vertes du gouvernement du Canada et de 14 M$ du gouvernement du Québec lui ont déjà été octroyés.
Ce nouveau système récupérera la vapeur rejetée par l’incinérateur municipal, vendue au CHU de Québec par la Ville. On s’attend conséquemment à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la consommation d’énergie par l’hôpital en même temps que les besoins en eau potable de l’incinérateur. Le projet permettra de réduire de 94 % les GES et de 52 % la consommation de combustibles et d’électricité du réseau, a-t-on fait valoir en conférence de presse. Quelque 60 millions de litres d’eau, plutôt que d’être rejetés dans l’atmosphère, trouveraient ainsi un nouvel usage, a-t-on ajouté.
Le deuxième vice-président de la FCM, Scott Pearce, a souligné le caractère innovateur du projet. « On va devenir le premier centre hospitalier pratiquement carboneutre au Québec », s’est réjoui à son tour le président-directeur-général du CHU de Québec, Martin Beaumont. Compte tenu de l’ensemble de ses immeubles et infrastructures, le CHU de Québec a au départ « une empreinte énergétique qui est très importante », a-t-il répondu à une question à ce sujet. Les économies que le projet permettra de réaliser seront réinjectées dans les soins à la population, a-t-il par ailleurs fait valoir.
Les retombées du projet de centrale de trigénération du CHU de Québec équivaudront à « retirer 2500 de nos routes », a illustré le maire Bruno Marchand. Le projet est « en totale adéquation » avec ce que la Ville a besoin de mettre en place, a-t-il souligné, évoquant la Stratégie de développement durable de la municipalité. Un des objectifs de cette stratégie est de « valoriser 82 % des matières résiduelles », a-t-il rappelé.
Écoverdissement ou écoblanchiment?
« Certains diront : valoriser, ce n’est pas suffisant. Ils ont raison. On vise aussi à réduire. On vous fera des annonces qui s’en viennent, parce que la réduction fait aussi partie de nos objectifs », a indiqué Bruno Marchand lundi matin.
Le Mouvement pour une ville zéro déchet et la conseillère du district de Limoilou, Jackie Smith, font partie de ceux pour qui « ce n’est pas suffisant ». Le communiqué émis par le premier, en amont de l’annonce de lundi, parle d’« écoverdissement ». Celui de la seconde, qui y a fait suite, parle d’« écoblanchiment ». Aux journalistes les citant, le maire Marchand a assuré qu’il n’était pas question de greewashing.
« C’est quoi, les solutions alternatives? Qu’est-ce que Mme Smith peut mettre de l’avant pour faire en sorte que sa vision très verte et très pure puisse être mise à contribution maintenant, aujourd’hui? »
Faisant référence aux déchets produits actuellement, le maire de Québec a mentionné qu’on ne vivait pas « dans un monde idéal » mais dans la réalité. « Même si on arrive à des objectifs [de réduction] ambitieux, il va rester des déchets à gérer », a-t-il justifié.
Au-delà des GES
Marcel Paré, porte-parole du Mouvement pour une ville zéro déchet, se désole de l’annonce comme du discours municipal au sujet de l’incinérateur.
« La Santé publique s’était engagée à n’autoriser la vente de vapeur que lorsque l’incinérateur serait sécurisé. Cependant, l’incinérateur a rejeté lors de la dernière campagne des contaminants au-delà des normes », fait valoir M. Paré, brandissant une lettre du 16 avril 2018 signée par le directeur de la santé publique de la Capitale-Nationale à l’époque, François Desbiens.
Selon lui, avant de se réjouir des impacts positifs, on doit regarder au-delà des émissions de GES. Il faut, dit-il, considérer aussi les polluants toxiques et cancérigènes produits par l’incinérateur de la Ville de Québec : le projet contribuera-t-il à les réduire?
L’argent du Fonds municipal vert, dit Marcel Paré, serait mieux investi dans la mise en place d’autres solutions que l’incinération, dont le tri en amont. Il faut, dit-il, développer les pratiques et le savoir quant au tri et à la caractérisation des matières résiduelles. Il faut « savoir quoi en faire », pour réduire les GES émis par l’incinérateur en même temps que les polluants toxiques et cancérigènes qu’il produit, soutient-il.
Selon lui, comme pour la cheffe de Transition Québec, le discours de revalorisation autour de l’incinérateur ne fait pas de sens, car il s’agit d’un processus d’élimination.
« Prends des billets de 20 dollars, fait les brûler en-dessous d’une tasse d’eau. Si tu en mets vraiment beaucoup, de 20 $, tu vas finir par faire bouillir l’eau dans la tasse », illustre Marcel Paré.
« On ne peut pas brûler des matières qui pourraient être revalorisées et en faire de la valorisation. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est ce qu’on retrouve dans le dernier BAPE sur la gestion des matières résiduelles », exprime pour sa part Jackie Smith dans son communiqué.
Le communiqué du Mouvement pour une ville Zéro déchet cite l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’action de « tueur silencieux » de la pollution de l’air. Celle-ci, peut-on y lire, est « responsable de 1 décès sur 9 au plan mondial et de plusieurs maladies (AVC, cardiopathies, cancers du poumon, de maladies respiratoires aiguës et chroniques, comme l’asthme) ». La gestion des déchets est une des causes identifiées par l’OMS, poursuit le communiqué.
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