Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Aujourd'hui, il nous raconte les changements de vocation d'un établissement témoin de l'évolution des mœurs de son époque : le Fer-à-cheval.
Le Fer-à-cheval : dernière chance à Québec
Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Aujourd’hui, il nous raconte les changements de vocation d’un établissement témoin de l’évolution des mœurs de son époque : le Fer-à-cheval.
Dans les années 1960, il était de bon ton pour les municipalités autour de la ville de Québec de faire en sorte de se distinguer les unes des autres. Certaines avaient conservé un caractère plus rural et elles en étaient fières.
C’était le cas de la municipalité de Charlesbourg. Il n’y avait alors qu’une seule artère vraiment carrossable qui traversait Limoilou vers le nord, pour atteindre Charlesbourg. C’était la 1re Avenue. Ainsi, l’avenue du Colisée s’arrêtait net après la rue des Lilas, vers le nord. De l’autre côté, à Charlesbourg, il n’y avait qu’un champ.
D’épicerie à taverne
Une épicerie « licenciée » avait pignon sur rue sur la 1re Avenue, à la limite du territoire de Québec avec la municipalité de Charlesbourg. Le Fer-à-cheval arborait bien visiblement son enseigne en forme de fer-à-cheval avec un slogan incitant les gens à se prévaloir de son offre :
« BIÈRES – Dernière chance à Québec »
Comme si Charlesbourg était une municipalité « sèche », c’est-à-dire qu’il aurait été impossible de s’y approvisionner en bières!
Et il semble que cette publicité fonctionnait, car le commerce vendait énormément de bières. Pourtant, il était possible d’acheter de la bière du côté de Charlesbourg. L’alimentation Richard & fils, à moins d’un kilomètre plus loin, dans le prolongement de la 1re Avenue, était aussi licenciée.
Dans les années 1970, le propriétaire eut l’idée de convertir l’épicerie en taverne : la taverne Au Fer-à-cheval avait conservé une enseigne en forme de fer-à-cheval et son logo « Dernière chance à Québec ».
Au cours de ses premières années d’opération, le nouvel établissement avait le statut de commerce réservé strictement aux hommes. Plusieurs groupes d’hommes d’âges variés s’y donnaient rendez-vous.
L’intérieur comportait plusieurs salons avec des cloisons, autrefois des pièces séparées. Chaque espace avait été investi par des groupes d’habitués. Il n’était pas courant que des clients, qui n’étaient pas associés au groupe occupant toujours le même salon, osent s’aventurer à s’installer à une table du salon. Le cas échéant, il pouvait même arriver que l’un des serveurs propose aux clients non avertis une autre table dans la salle principale.
Les serveurs – ils étaient deux réguliers – maintenaient l’ordre. Ils demeuraient toujours polis et avenants. Mais ils ne toléraient aucun écart : s’ils jugeaient qu’un client, ou un groupe, était trop bruyant, ils l’avertissaient une première fois. En cas de récidive, on indiquait au récalcitrant de quitter l’établissement et d’aller se reposer.
Je me souviens que deux portes permettaient d’avoir accès à la taverne : la principale était située à l’avant, sur la 1re Avenue. La seconde, plus discrète, était située à l’arrière, où il y avait un stationnement. Les deux portes étaient « pleines », sans fenêtre. D’ailleurs, il n’y avait aucune fenêtre qui aurait permis à des curieux, ou à des curieuses, de jeter un œil à l’intérieur de l’établissement. Ce n’était pas un hasard. Ainsi, certains pouvaient rester « cachés » des autres membres du nid familial. Ni les femmes ni les jeunes mâles mineurs (de moins de 21 ans avant 1972) ne pouvaient accéder à la taverne. Et les tenanciers se faisaient un devoir de ne jamais laisser la porte entrouverte.
Un accès à toutes et à tous
En 1979, la loi provinciale était modifiée pour permettre aux femmes d’accéder aux tavernes. Cependant, les propriétaires de tavernes ouvertes avant 1979 pouvaient se prévaloir de leurs droits acquis.
J’ignore quand la taverne Au Fer-à-cheval a donné accès à toutes et à tous. Cependant, sur la base de quelques recherches effectuées au Archives nationales, il s’avère que le commerce était devenue une brasserie en 1982, puis un bar en 1983, avant de fermer plus tard.
Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. L’histoire de famille et la vie de jeunesse de Denys Hawey, qu’il raconte en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.
Le présent texte fera partie d’un recueil de nouvelles à paraître en formats papier et numérique sous le titre Mes entrailles bénies – Anecdotes de jeunesse à Limoilou.
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