La messe à Sainte-Anne et Menan Tremblay

Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Ceux qu'il évoque ici rappellent une tradition familiale de l'époque : la messe à Sainte-Anne.

La messe à Sainte-Anne et Menan Tremblay | 30 janvier 2022 | Article par Monlimoilou

La basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré.

Crédit photo: sanctuairesainteanne.org

Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Ceux qu’il évoque ici rappellent une tradition familiale de l’époque : la messe à Sainte-Anne.

Quand nous étions jeunes, il arrivait, une couple de fois par été, que mon père nous fasse la surprise de proposer d’aller à la messe à Sainte-Anne-de-Beaupré. Mon jumeau Richard et moi en étions très excités. Cela n’avait rien à voir avec nos convictions religieuses. Pas du tout!!

Souliers du dimanche et beau chapeau

Le fait était que nous savions qu’après cette messe, qui nous semblait interminable, sur le chemin du retour, mon père, que nous avons toujours appelé par son prénom Pierre, arrêterait certainement chez son ami de toujours à L’Ange-Gardien.

Conformément à l’époque, nous nous endimanchions : chemise blanche et cravate, pantalons « propres » et souliers du dimanche. Maman, à la demande de Pierre, choisissait un beau chapeau pour entrer dans la basilique. Maman n’était pas une « femme-à-chapeaux ». Elle était plutôt du type « Tom Boy », mais elle faisait plaisir à mon père, qui était non seulement très fier, mais aussi pointilleux sur les affaires d’église.

Plus tard, quand papa avait relâché ses exigences religieuses, maman n’avait plus eu à traîner un chapeau quand le dimanche on allait à l’extérieur de Québec. Pierre tolérait que, pour entrer à l’église, maman limite la coquetterie et qu’elle se couvre la tête d’un papier mouchoir fixé par une broche quelconque en simulacre de chapeau. On pouvait voir qu’elle aimait ça. Elle, qui n’était pas très « église », affichait son minois espiègle en nous tenant par la main.

Le clou de la visite sur le chemin du retour

Le terrain qu’occupait l’ami de Pierre était situé directement sur le bord du fleuve. Il y avait une piste ovale en terre battue qui en suivait les limites. Puis, au beau milieu du site, une maison, ou plutôt un chalet rustique, dans lequel habitait l’ami de Pierre.

L’ami s’appelait Fernand, mais papa l’avait toujours appelé « Menan ». Menan était plutôt original. Il avait quelques poneys qu’il gardait pour le plaisir, mais il offrait aux jeunes de faire des tours d’équitation sur son terrain, moyennant rétribution.

Bien évidemment, c’était, pour mon jumeau et moi, le clou de la visite à Sainte-Anne. Menan nous guidait, et nous nous promenions sur son terrain à dos de poney. De quoi faire de beaux rêves quand viendrait le temps du dodo!!

Mais la vraie passion de Menan était le chant, plus précisément l’opérette. Alors il avait sa propre troupe qui pratiquait et donnait des spectacles chez lui. L’été, sa maison se transformait en théâtre lyrique.

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Pierre et Menan étaient des amis d’enfance à Saint-Charles-de-Limoilou. Menan était un passionné, mais un nul en affaires. Pour poursuivre ses passions, il faisait toutes sortes de petits boulots. Pierre nous avait raconté toutes les petites affaires que Menan avait entreprises sans succès.

J’ai toujours senti que, bien que mon père était avant tout une personne raisonnable qui gardait toujours les pieds à terre, il ressentait un brin d’admiration pour le côté bohème de son ami.

Je me rappelle que Menan avait lancé un snack à hot-dogs dans un garage à Saint-Charles-de-Limoilou. Il semble que ça avait fonctionné assez bien : tous les jeunes du coin y finissaient leurs soirées. Mais, finalement, Menan avait été contraint de fermer, car son commerce ne répondait à aucune norme municipale. C’était un vrai danger pour les incendies!

« Ce jour-là, il n’avait pas vraiment bonne mine »

Beaucoup plus tard, je me rappelle avoir aperçu Menan, que j’appelais Monsieur Tremblay, au centre-ville. Je l’avais interpelé pour lui rappeler mon nom et les bons souvenirs que nous avions gardés de nos rides en poney chez lui.

Menan, que j’avais auparavant toujours vu portant jeans, chemise et bottes de cowboy, portait cette fois un pantalon gris et un veston avec une insigne au logo de l’Assemblée nationale. Il m’avait dit y être messager.

J’avais toujours perçu Menan comme une personne souriante et dynamique. Mais, ce jour-là, il n’avait pas vraiment bonne mine. En lui demandant s’il avait toujours son petit ranch et s’il chantait encore dans une troupe, j’avais eu l’impression de lui avoir scié les deux jambes. Menan m’avait alors confié qu’il avait accumulé des dettes importantes et qu’il avait dû abandonner tous ses rêves.

Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. L’histoire de famille et la vie de jeunesse de Denys Hawey, qu’il raconte en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.

Lire l’épisode précédent :

Le bumping : une activité heureusement révolue à Limoilou

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