Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Il nous rappelle aujourd'hui le marché Saint-Roch. Ce grand marché a déménagé à deux reprises avant d'aboutir finalement dans le Vieux-Port, en 1987.
La visite au marché Saint-Roch
Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Il nous rappelle aujourd’hui le marché Saint-Roch. Ce grand marché a déménagé à deux reprises avant d’aboutir finalement dans le Vieux-Port, en 1987.
Dès que nous avions emménagé dans notre maison neuve à Sainte-Odile, mon père s’était empressé de faire une chambre froide. C’était en 1960 et nous avions six ans.
Cette chambre froide était située dans un coin du sous-sol. Mon père, que j’appelais Pierre, avait monté des murs avec des gros blocs en ciment pour bien l’isoler du reste du sous-sol. La partie basse des murs était constituée de caveaux en bois destinés à recevoir les réserves de légumes racines en quantité suffisante pour nous sustenter pendant tout l’hiver. Patates, carottes, betteraves, « choutiames », comme nous disions pour les choux de siam avaient leur place réservée. En haut des caveaux, Pierre avait installés des tablettes en bois rough ou rustre pour y « storer » du cannage : pois verts, macédoines (mélange de petits pois, de morceaux de carottes, et autres), maïs en grains, soupe aux tomates, etc.
Détour familial au marché
Dès lors, mon père avait pris l’habitude d’aller au marché Saint-Roch pour y acheter ses légumes. C’était un événement en soi, et mon jumeau Richard et moi l’accompagnions. Selon mes souvenirs, ça se passait assez tard à l’automne, car nous étions habillés chaudement. Mon père n’aimait pas la foule : un petit relent familial d’agoraphobie. Je crois me rappeler que nous nous rendions au marché en fin de journée, puisque déjà, il faisait sombre.
C’était toujours avec curiosité que je regardais Pierre marcher dans les allées pour y examiner les légumes en fouillant dans les sacs de jute. Il adoptait une allure désintéressée pour demander les prix des produits aux maraîchers. Puis il poursuivait son chemin sans mot dire, sans même regarder ni remercier le marchand pour l’information. Nous le suivions en nous demandant pourquoi notre père était de mauvaise humeur. Il nous rassurait en nous expliquant que ça faisait partie de sa stratégie de négociation.
Enfin, Pierre retournait habituellement vers un des maraîchers qu’il avait déjà ciblé pour y prendre tous les légumes. L’important pour lui était de baisser, souvent de manière ridicule, le prix demandé par le marchand, qui acceptait aussitôt la contre-offre. Tout le monde était satisfait.
Une expérience vraiment traumatisante
Au marché Saint-Roch, il arrivait aussi à mon père d’acheter un lièvre, lorsque disponible. De retour à la maison, on pouvait percevoir sur son visage une sensation de jouissance, quand il allait chercher ses couteaux sur l’établi. C’était de vieux couteaux de boucherie qu’il avait conservés depuis le temps où il avait travaillé à l’épicerie Dugal, sur la 4e Avenue, dans le Vieux-Limoilou.
La première fois que j’avais assisté à l’éviscération et au dépeçage des pauvres bêtes, pendues par les pattes arrières à une poutre dans le sous-sol, j’avais trouvé l’expérience vraiment traumatisante. Et que dire de l’odeur qui s’en dégageait!
J’avais évidemment refusé de manger la chair de cette bête, qui faisait le délice de mes parents. Mon père tentait de m’influencer en arguant que le steak haché, dont je raffolais, provenait d’un bœuf qui était passé à travers un processus semblable. C’était assez pour que je ne mette plus un morceau de viande dans ma bouche.
Dès ce jour, je ne voyais plus aucun charme de ces petits bouts de pattes de lapins que nous traînions sur nous comme porte-bonheurs!
Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. L’histoire de famille et la vie de jeunesse de Denys Hawey, qu’il raconte en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.
Lire l’épisode précédent : La « run de Noël » avec mon père.
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