Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Avec moult détails, il nous décrit un loisir quelque peu téméraire de son enfance dans Lairet : le bumping.
Dans les années 1965-1970, quand la neige tombait suffisamment pour couvrir la surface de la patinoire extérieure d’une bonne épaisseur, nous étions plusieurs jeunes à délaisser nos patins et nos bâtons de hockey, pour nous adonner à un autre sport de glisse que nous appelions le bumping.
Comme les cow-boys pratiquant le rodéo sur les buffles
Le bumping était effectivement un sport qui demandait des conditions climatiques particulières. Il fallait une précipitation appréciable de neige en peu de temps. En effet, une accumulation soudaine dans les rues créait une couche de glace chauffée par les pneus des véhicules.
De plus, idéalement, ce sport se pratiquait sur la surface des rues secondaires du quartier. Ces dernières n’étaient, du moins à l’époque, ni fréquentées ni entretenues aussi rapidement que les voies principales.
Compte tenu du risque inhérent encouru par les jeunes qui pratiquaient cette activité, il était aussi préférable de s’y adonner à la pénombre. Nous étions ainsi moins « repérables ».
Le bumping consistait donc à s’accrocher « incognito » au parechoc arrière d’un véhicule pour profiter de sa poussée sur la glace qui se formait dans les rues secondaires.
On le pratiquait un peu comme les cowboys pratiquent le rodéo sur les buffles. À la faveur d’un signal d’arrêt, ou d’un feu de circulation, nous profitions du fait que le véhicule s’arrêtait pour nous glisser subrepticement derrière ledit véhicule, et pour nous agripper au parechoc (bumper, en anglais), position accroupie, avant que le véhicule ne reparte.
Le coin Duval et des Chênes Ouest comme rampe de départ
Le défi consistait à demeurer en position le plus longtemps possible. Normalement, l’une des deux situations suivantes terminait notre « temps de glisse » :
- le conducteur repérait le ou les « bumpeux » accrochés à l’arrière de son véhicule et il s’arrêtait brusquement pour sortir du véhicule et pour nous attraper;
- une plaque d’asphalte freinait notre élan et nous faisait perdre pieds et mains.
Dans les deux cas, il fallait déguerpir au plus vite et profiter de la pénombre pour ne pas être attrapés!
Évidemment, comme tous les sports de glisse, le bumping demandait beaucoup de pratique. Les débutants commençaient avec les autobus municipaux. Ils étaient forcément plus lents et il était plus aisé de s’accrocher au parechoc sans être vus par le conducteur. De plus, advenant que celui-ci tente de nous attraper, il était plus facile de ficher le camp avant qu’il ne rejoigne l’arrière de son véhicule. Les plus expérimentés pouvaient se risquer à « monter » des automobiles.
L’intersection de l’avenue Duval et de la rue des Chênes Ouest constituait un point de prédilection comme rampe de départ pour la pratique du bumping. Il y avait une cabine téléphonique et un banc public nous donnant le prétexte d’y flâner, mais surtout, un arrêt d’autobus sur des Chênes Ouest pour le circuit numéro 3. Son trajet était toujours recouvert d’une surface glacée, idéale pour la pratique du bumping.
Évidemment, question de sécurité, les parents nous interdisaient de faire du bumping. Nous nous gardions bien de leur laisser savoir notre passion pour ce sport défendu... Malheureusement, la perte fréquente d’une mitaine restée collée sur un parechoc constituait souvent un indice incriminant de la pratique du bumping.
Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. L'histoire de famille et la vie de jeunesse de Denys Hawey, qu'il raconte en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.
Lire l'épisode précédent : La visite au marché Saint-Roch.