Limoil’air : des citoyen.ne.s veulent faire tourner le vent

En avant-première du projet de sciences citoyennes Limoil’air, qui se déploiera jusqu’en juin 2023, avait lieu mardi l’installation officielle de deux premiers capteurs chez des Limoulois.e.s.

Limoil’air : des citoyen.ne.s veulent faire tourner le vent | 25 mai 2022 | Article par Suzie Genest

Raymond Poirier, Séréna Bilodeau et Guillaume Simard (RevolvAir)

Crédit photo: Suzie Genest

En avant-première du projet de sciences citoyennes Limoil’air, qui se déploiera jusqu’en juin 2023, avait lieu mardi l’installation officielle de deux premiers capteurs chez des Limoulois.e.s.

« Ça fait deux ans que j’habite ici. Au départ, je ne m’attendais pas à une oasis de paix, bien évidemment. Toutefois il y avait un parc, la rivière était proche, donc je pensais que peut-être, ce ne serait pas si pire. L’été passé, j’ai essayé de faire un jardin sur mon balcon. Impossible de cultiver quoi que ce soit ici sans doucher ses plantes chaque semaine. Les légumes que je récoltais, ils étaient noirs, à peine sortis du plant. […] Il fait très chaud, j’aimerais ouvrir les fenêtres. […] C’est impossible, parce que ça salit la maison au grand complet », raconte Séréna Bilodeau, bachelière en environnement de l’Université Laval.

De son petit balcon au troisième étage, où elle habite avec son chat, on a pour panorama le boulevard des Capucins et ses bretelles autoroutières. Chez Mathieu Caron, père de deux enfants, la galerie arrière donne sur une cour rafraîchie par des arbres. Il vit au bord d’une des Ruelles vertes limouloises. Avec chacun d’eux, le professeur et chercheur Guillaume Simard, cofondateur de RevolvAir, a fixé le dispositif qui collectera au cours des douze prochains mois des données sur la qualité de l’air. Ce sont les particules fines PM1, PM2,5 et PM10 (PM pour particulate matter) qui sont visées.

Guillaume Simard de RevolvAir et Séréna Bilodeau
Guillaume Simard de RevolvAir et Séréna Bilodeau
Crédit photo: Suzie Genest

Alimenté en électricité, chaque capteur est connecté au réseau wifi. « Une fois qu’il est configuré, il va envoyer des données de façon régulière, toutes les deux ou trois minutes, à la plateforme infonuagique, et on va être en mesure d’avoir des données presque en temps réel et de les accumuler dans le temps », explique M. Simard. Elles seront ensuite accessibles et téléchargeables.

« L’objectif du projet est, d’un côté, d’aller chercher de l’information pour savoir exactement à quoi ressemble l’air de Limoilou en termes de lourdeur, en termes de densité. Et en parallèle, il y a aussi la volonté de faire vivre aux ménages des quartiers de Limoilou une expérience complète d’analyse environnementale. Ils vont être appelés […] à participer au projet, à remplir un journal de bord, à participer à des formations, à des ateliers, pour vraiment parfaire leurs connaissances des méthodes d’analyse environnementale. Et donc ça va jouxter avec les données brutes […] par rapport à la qualité de l’air de nos quartiers », résume Raymond Poirier, président du conseil de quartier du Vieux-Limoilou, à l’origine du projet Limoil’air.

Ce sont 75 ménages du Grand Limoilou – Vieux-Limoilou, Lairet, Maizerets – qui vivront cette expérience. Les trois conseils de quartier du secteur, qui y collaborent, ont effectué la sélection des foyers au cours des derniers mois.

Un milieu investi

Comme l’ont rappelé mardi M. Poirier et Samuel Proulx Lemire, président du conseil d’administration de la Caisse Desjardins de Limoilou, cette dernière est le partenaire financier majeur de Limoil’air. Elle soutient le projet à travers son Fonds écoresponsable à une hauteur de 30 500 $, sur un budget total d’environ 40 000 $. S’y ajoutent des investissements « pro bono » (bénévoles) de la part des scientifiques participants, « spécialisés en cartographie, géographie urbaine, en visualisation de données, en chimie et autres domaines », a énuméré Raymond Poirier.

Le projet permettra de collecter des données sur l’air de Limoilou, mais sera aussi l’occasion de les « faire parler ». Elles seront mises en dialogue avec les données d’autres sources ouvertes et publiques, sur les vents, le smog, les conditions météorologiques.

« On aurait pu dire : on va investir dans un, dans deux, dans dix capteurs à 30 000 $, à 100 000 $ », mais la volonté de Limoil’air, c’est de mettre de l’avant « une démarche reproductible » par des citoyens, a ajouté le porte-parole. De là le choix de plus petits capteurs, accessibles, d’une démarche de projet-pilote qui pourrait être reprise ailleurs.

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Capteur de Limoil'air

Limoil’air et le pouvoir d’action

La réponse des médias de Québec à l’invitation de mardi a dépassé les attentes, a confié Raymond Poirier à Monlimoilou. Il n’était pas le seul étonné, pouvait-on constater dans les questions des journalistes. Où était donc passée la fougue manifestée lors de prises de parole et rassemblements contre la hausse de nickel durant la dernière année? Dans l’action, a voulu leur expliquer M. Poirier.

Outre les préoccupations pour la qualité de l’air, des sondages ces dernières années ont faire ressortir « une volonté claire des citoyens et citoyennes de se mettre en action, de faire quelque chose, d’aller chercher de l’information, de ne pas rester passifs par rapport à la situation », a-t-il souligné.

« Avec Limoil’air, on se donne l’opportunité de, justement, collectivement, se mettre en action pour aller chercher ces informations. On est très heureux aujourd’hui de lancer cette démarche-là. »

Les petits sourires (photo en une) qui attendaient les médias au point de rencontre de la première installation en témoignaient. « Le projet Limoil’air me rend fière, parce que je suis contente de voir que les gens prennent les choses en main », a d’ailleurs exprimé Séréna Bilodeau.

La dénonciation, la revendication, savent se canaliser en initiatives porteuses pour peu qu’elles aient accès à des moyens, au pouvoir d’action. Sans doute le conçoit-on mieux, le questionne-t-on moins, quand on a déjà été du même côté de l’écran que ces citoyen.ne.s qui veulent faire tourner le vent.

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