Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Retour dans un autre monde où la cigarette et le tabac en menaient large, sans trop de questionnements, au sein de la société québécoise.
Ode au tabac, ce vieil ennemi
Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs et lectrices ses souvenirs de jeunesse. Retour dans un autre monde où la cigarette et le tabac en menaient large, sans trop de questionnements, au sein de la société québécoise.
Ma vie a longtemps été intimement liée au tabac. À commencer par ma conception. Vers cette période, ma mère travaillait à l’usine de fabrication de cigarettes de Saint-Roch, qu’on appelait la Rock City. Elle était déjà une fumeuse invétérée.
« Une odeur réconfortante et maternelle »
J’ai réalisé beaucoup plus tard que j’avais, depuis ma plus tendre enfance, toujours associé l’odeur de tabac frais à ma mère. C’est encore une odeur très réconfortante et maternelle à mon nez.
Ma mère nous rappelait souvent l’impact qu’avait eu la jeune Princesse Élizabeth, lors de sa première visite à Québec. À la fin d’un repas officiel au Château Frontenac, Elisabeth avait galamment grillé une cigarette. Des milliers de jeunes femmes canadiennes avaient voulu l’imiter.
Mon père, quant à lui, achetait des cannes de tabac Export de Macdonald. J’aimais bien mettre mes mains dans le tabac frais et humide. C’était une très bonne sensation.
Enfant, j’ai longtemps cru que la dame au chapeau écossais apparaissant sur les produits du tabac de Macdonald était en fait ma mère. La ressemblance était vraisemblable. J’ai mis du temps à distinguer la jeune Écossaise de ma mère.
Des cigarettes données aux enfants
Pas étonnant que, très jeune, vers l’âge de 8 à 10 ans, je me rendais avec des amis sur les terrains vacants, près du Colisée, pour fumer « en cachette » des cigarettes piquées dans les paquets de nos parents.
Pendant la période de l’exposition provinciale, nous allions au kiosque de la Rock City et on nous donnait gracieusement des mini paquets de cigarettes contenant d’abord dix cigarettes, puis, plus tard, des petits paquets-échantillons de cinq cigarettes.
Je me souviens d’un ami dont le père travaillait à l’usine de cigarettes de Saint-Roch. Mon ami ne se gênait pas pour piquer non pas quelques cigarettes, mais un paquet complet chaque fois. Il prenait souvent ceux de marque Dunhill,dont le dessus était recouvert d’un feutre rouge. Ça faisait particulièrement chic! On avait l’impression que la cigarette était meilleure.
C’était donc tout naturellement que, pendant mes années du secondaire, je me procurais des cigarettes « à la cenne » au dépanneur du collège, à l’externat Saint-Jean Eudes.
Des vedettes vantant les bienfaits du tabac
La cigarette est devenue partie intégrante de ma vie, de mon quotidien. Dans la vingtaine, j’alternais entre les Gitanes, ces cigarettes françaises au tabac particulièrement odorant et les Pall Mall plain.
Difficile de penser qu’on tentait, à l’époque, de dissuader les jeunes d’adopter cette habitude. Les publicités dans les journaux et à la télé vantaient les bienfaits du tabac. Nos vedettes contribuaient d’ailleurs à cette prêche.
Tous les services publics permettaient de fumer le tabac : transports en commun, dans les bus et les avions; au ciné, dans les voitures, etc. Des cendriers étaient disponibles dans les lieux publics. Et, quand on ne retrouvait pas de cendriers, on tolérait quand même l’usage du tabac.
Je me rappelle que, du haut des gradins « les millionnaires », au Colisée, on pouvait à peine voir le match de hockey des As de Québec : en dernière période, un véritable brouillard de fumée planait dans tout l’édifice.
Un « outil » de négociation
Mon père, lorsqu’il était représentant syndical à la Ville de Québec, m’avait raconté la stratégie qu’il avait adoptée avec ses collègues pour inciter le maire et son équipe à faire des concessions en faveur du syndicat. Lorsque la session de négociation se poursuivait et qu’on semblait être dans une impasse, les deux parties acceptaient de prolonger indéfiniment la session jusqu’à l’adoption d’une entente. Sachant que le maire ne tolérait pas la boucane, les représentants syndicaux en profitaient pour brûler un bon cigare à tour de rôle. La stratégie avait semblé fonctionner.
C’est à l’aube de la cinquantaine et de l’an 2000 que j’ai finalement réussi à me débarrasser de cette mauvaise habitude. Évidemment, j’avais fait plusieurs tentatives infructueuses dans les décennies précédentes. Mais, cette fois, j’avais eu recours à plusieurs outils d’aide.
On m’avait notamment prescrit une forte dose de nicotine en timbres. Au départ, la stratégie semblait très bien fonctionner. Mais, quand on avait commencé le sevrage et réduit conséquemment la dose de nicotine sur les timbres, les difficultés étaient apparues. En fait, comme disait ma conjointe :
« On se sent soudainement comme un gant qu’on vire du côté de la doublure! »
À quelques reprises, j’aurais voulu enlever le timbre de nicotine pour le rouler et je l’aurais fumé! Mais, je savais que cette fois constituait ma dernière chance et j’avais persévéré.
Aujourd’hui, je me plais à dire, en boutade, que j’ai arrêté de fumer, il y a environ 20 kilos de cela. C’était, dans mon cas, le prix à payer.
Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. L’histoire de famille et la vie de jeunesse de Denys Hawey, qu’il raconte en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.
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