Peu avant les Fêtes, Monlimoilou a eu le bonheur d'échanger avec une artiste peintre native de la paroisse Saint-Pascal, Suzanne Cayer. Elle nous a parlé en particulier d'un projet d'accomplissement personnel qu'elle peut maintenant réaliser à loisir.
Membre de Chez Alfred-Pellan, Suzanne Cayer a notamment participé à l'œuvre collective dévoilée au cinquième anniversaire de la galerie. Elle contribue depuis peu, et à son rythme, à l'épanouissement artistique de jeunes handicapés ou présentant une déficience intellectuelle.
D'où vient ta passion des arts, de la peinture en particulier, et comment décrirais-tu ta démarche créatrice?
J'ai vécu le plus gros de mon enfance de fille unique à Loretteville, après notre déménagement de Limoilou. Ma mère, de santé fragile, avait besoin de repos et de silence. Elle m'a donc appris à bricoler avec des crayons de couleur, de la peinture, du papier de construction et de la pâte à modeler. J’ai adoré ça à tel point qu'adolescente, j'ai suivi des cours spécialisés, entre autres en poterie, avant de compléter un baccalauréat en arts à La Fabrique de l'Université Laval.
Comme artiste peintre, je suis de l’école « expressionniste art pop ». J'aime particulièrement peindre sur des grandes toiles, avec des gros pinceaux et beaucoup de gestuelle. Un peu à la manière de Frida Kahlo, je m’exprime surtout dans les portraits de gens qui évoluent autour de moi. En imaginant leur caractère, leurs émotions, en y mettant du flou, de la texture, avec plusieurs techniques de latex et d'acrylique. Et quand je suis en panne d’inspiration, bien, je me sers de moi!

Crédit photo: Suzanne Cayer
Qu’est-ce qui t’as d'abord mené à ton récent engagement comme artiste œuvrant auprès de jeunes en cheminement particulier?
Le hasard de la vie! Vers 2002, je demeurais avec mes trois enfants dans une coop d’habitation de Saint-Jean-Baptiste, faisant des remplacements sporadiques comme professeur en art. J’ai alors offert mes services à la Commission scolaire des Découvreurs pour un emploi à temps plein. On m’a fait une proposition bien spéciale : un remplacement d'une année comme préposée auprès d’élèves multi-handicapés ou de santé très précaire de 4 à 21 ans! C'était dans une école spécialisée, relocalisée à Cap-Rouge sous le nom de Madeleine-Bergeron. Et je suis tombée en amour avec la profession!
Madeleine-Bergeron est la seule école spécialisée de la région qui accueille ces jeunes, avec du personnel et des infirmières pour leur condition. Mon rôle de préposée était de subvenir à tous leurs besoins de base : ôter leur manteau, leur donner à manger, les pousser en chaise roulante... Plus tard, je suis même devenue prof pour les nouveaux préposés qui, comme mes élèves, connaissaient mon intérêt pour l’art. Je pratiquais surtout dans mes congés d'été afin d'exposer un peu partout. Cette expérience a finalement duré 18 ans.
Après le décès de mon conjoint, il y a trois ans, puis mon déménagement de Maizerets au Vieux-Limoilou qui a suivi, une amie Facebook m’a proposé de la remplacer au centre Louis-Jolliet, cette fois comme accompagnatrice d'élèves particuliers, ce que j'ai fait jusqu'à la première année COVID. J'avais toutefois toujours à l’esprit un projet qui m'était cher et que les événements ont bousculé...
Ayant le privilège de pouvoir prendre ma retraite tôt, je me suis dit : « Attends pas le deadline pour faire ce que t'as toujours voulu faire ». Pour ça, j'ai concocté un plan de match à titre de professeur en projets spéciaux en art. Les arts et les élèves handicapés se sont depuis réunis dans ma vie!
Ce qui est très intéressant pour moi, Louis-Jolliet a réservé trois classes pour les élèves déficients mentaux ou physiques, dont une d'anciens élèves de Madeleine-Bergeron, plus autonomes, avec la capacité intellectuelle de poursuivre une scolarité. Plusieurs m'avaient reconnue et ont insisté pour que je leur propose des projets artistiques, ce qui a beaucoup motivé mon offre à la direction.
Maintenant, comme travailleuse autonome, je peux proposer à mes élèves des activités occasionnelles, au rythme de quatre ou cinq projets par année. Selon leur degré de dextérité, je leur fais toucher à des choses différentes, comme l’argile et le plâtre. Par exemple, je leur ai appris à faire un moule. Je dois aussi imaginer quels projets ils peuvent accomplir pour qu’ils soient fiers d’eux, comme celui des cartes de Noël. D'ailleurs, une collaboration entre ces élèves du centre Louis-Jolliet et Chez Alfred-Pellan se concrétisera au retour à l’école. Ce sera sous forme de cartes de souhaits fabriquées par eux et identifiés comme telle.
Ce que tout ça m’apporte? C’est très gratifiant de sentir à quel point j'ai été aimée et le suis encore par ces jeunes si attachants. Cela me pousse à vouloir faire ma part pour améliorer leur vie.

Crédit photo: Centre Louis-Joliet
Et si l'on parlait brièvement de ton attachement manifeste au Vieux-Limoilou?
Quand on demeurait à Saint-Pie-X, j'aimais prendre de grandes marches avec mon conjoint sur la 3e Avenue. J’avais pris l’habitude d'y faire des petites commissions, on s’assoyait au Bal du Lézard... Je trouvais ça chouette de nous promener aussi le long de la rivière.
En vendant sa maison, même si je pensais encore au quartier Saint-Jean-Baptiste où j'ai longtemps vécu, j’ai choisi de m’établir non loin de Chez Alfred-Pellan. En m'impliquant dans la galerie, j'ai pu aussi consolider mon réseautage dans les arts.
Des toiles de Suzanne Cayer sont exposées en permanence à la galerie Chez Alfred Pellan. L'artiste sera par ailleurs présente à la galerie Bécot, dans Saint-Roch, le 17 février, pour le vernissage d'une exposition satellite de Manif d’art 10 - La biennale de Québec.
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