Limoil’Air : Jouer aux sciences citoyennes

Depuis plus d’un an, les capteurs de Limoil’Air mesurent la qualité de l’air de Limoilou. Plus précisément, ils mesurent les concentrations des PM 2.5, ces particules de moins de 2,5 µm de diamètre. Sur la carte du site Revolv’Air, les données s’affichent en temps réel. Depuis le début du projet, des millions de données se sont accumulées.

Limoil’Air : Jouer aux sciences citoyennes | 6 septembre 2023 | Article par Valérie Levée

« L’apprêt », 2023, Cooke-Sasseville et MC Grou (Québec) dans le cadre des Passages insolites de EXMURO arts publics

Crédit photo: Suzie Genest

Depuis plus d’un an, les capteurs de Limoil’Air mesurent la qualité de l’air de Limoilou. Plus précisément, ils mesurent les concentrations des PM 2.5, ces particules de moins de 2,5 µm de diamètre. Sur la carte du site Revolv’Air, les données s’affichent en temps réel. Depuis le début du projet, des millions de données se sont accumulées.

S’agissant d’un projet de sciences citoyennes, chacun peut explorer les données et participer à l’analyse. Guillaume Simard, l’instigateur de Revolv’Air, a développé une application pour rendre la tâche ludique. Vous laisserez-vous prendre au jeu?

Regardez la pollution s’animer

Le jeu commence par le visionnement d’une vidéo intitulée Particules fines animées. Celle-ci est disponible sur la page d’accueil du site Revolv’Air . Concoctée par Guillaume Simard à partir des mesures prises entre le 29 juin 2022 et le 30 avril 2023, elle montre en accéléré la pollution aux PM2.5 sur cette période.

En cliquant dessus, vous verrez la carte de Limoilou constellée de capteurs qui changent de couleur en fonction de la concentration de PM2.5. Quand tout est vert, la qualité de l’air est bonne, mais quand tout est rouge, mieux vaut éviter d’aller faire son jogging. Le but du jeu est alors d’identifier ces épisodes de pollution et de tenter de déterminer les conditions propices à cette piètre qualité de l’air.

Regardez par exemple ce qu’il se passe dans la nuit du 14 au 15 février. La carte, qui est toute verte le 14, vire au rouge à minuit et redevient verte le 15 en après-midi. Le phénomène est très furtif.

Sur la carte, Guillaume Simard a adjoint une rose des vents. Elle indique que le vent était au sud-ouest le 14 en après-midi, puis à l’ouest la nuit, qu’il a fait la girouette au matin du 15 pour virer à l’est en après-midi. Voilà qui peut donner un indice sur l’origine et le déplacement du nuage de pollution.

Mais pour y voir plus clair, il faut entrer les données dans l’application Revolv’Air Dash.

Revolv’Air Dash

En déroulant la page d’accueil du site de Revolv’Air, vous trouverez un lien vers un tutoriel et l’application. Une fois l’application ouverte, il s’agit de cliquer sur l’onglet pour créer une analyse, de sélectionner une fenêtre de temps (5 jours maximum) dans le calendrier et de choisir des capteurs en cliquant sur la carte. Se tracent alors les courbes des concentrations mesurées par chacun de ces capteurs. L’application propose ensuite d’ajouter des composantes pour affiner l’analyse.

Comme les capteurs sont sensibles à la vapeur d’eau, ils tendent à surestimer les concentrations en PM2.5 lors des journées humides. Il est possible de corriger ce biais en ajoutant l’algorithme US EPA v2021 – atm. Après correction, l’épisode de PM2.5 repéré sur l’animation est toujours visible sur les courbes générées par Revolv’Air Dash.

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Mais est-ce un phénomène localisé sur Limoilou ou de plus grande ampleur? Lors des feux de forêts de juin 2023, les nuages de fumée ont atteint Québec. Environnement Canada avait alors envoyé quelques alertes au smog. Les capteurs ont enregistré des pics de PM2.5, mais la source de cette pollution était extérieure à Limoilou. Il est donc fort utile d’ajouter la carte de la pollution de l’Amérique du Nord, qui montre les événements régionaux de pollution, pour éviter toute confusion entre un épisode de pollution locale et un événement de grande ampleur.

Après ces précautions, les tentatives d’interprétation peuvent commencer. Sur la carte, il est possible d’indiquer les industries polluantes du quartier, les ilots de chaleur et de fraicheur, les vents et d’autres caractéristiques.

  • Est-ce que l’épisode étudié peut s’expliquer par une source locale?
  • Est-ce que les vents ont propagé les particules dans le quartier?
  • Comme les arbres retiennent les particules, est-ce que les ilots de fraicheur, généralement mieux végétalisés, sont protégés de la pollution?

Vous pourrez décrire vos observations dans la composante « commentaires » et partager votre analyse.

Prudence!

Dans le cas de l’événement du 15 février, l’analyse révèle qu’il a été précédé d’un pic venant de l’incinérateur et il est tentant de l’incriminer. Mais quelques heures plus tôt, un autre pic de pollution s’allumait à la station 5748322 située à l’extrémité ouest de la 2e Rue. Et justement, les vents qui viennent de l’ouest suggèrent que la source de pollution est à l’ouest du quartier; ce qui n’exclut pas une contribution de l’incinérateur.

La prudence est donc de mise avant toute affirmation. On dit, en science, que corrélation n’est pas causalité. Cela signifie qu’il n’y a pas nécessairement une relation de cause à effet entre deux évènements qui surviennent ensemble.

Il faudra, pour y voir encore plus clair, multiplier les observations et les analyses. Alors à vous de jouer!

Cet article fait partie d’une série spéciale soutenue par le Data-Driven Reporting Project. Monquartier/Monlimoilou est l’un des trois récipiendaires au Canada de la première cohorte de ce programme qui appuie des projets de journalisme d’investigation et de données en Amérique du Nord.

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