Quartiers de la Canardière : l’éléphant dans la pièce

La vision économique des quartiers de la Canardière concernant les 15 terrains de Maizerets ciblés par la Ville de Québec pour un développement techno-industriel constitue-t-elle un cadeau déjà emballé dont les habitants du quartier ne veulent pas finalement?

Plusieurs citoyens ont amené cette question lors d’une séance d’information et d’échanges portant sur la version préliminaire de la Vision d’aménagement des quartiers de la Canardière, lundi soir, au Domaine Maizerets.

Une vision économique qui ne fait pas l’unanimité

Le modèle des campus d’innovation souhaité par l’administration Marchand préoccupe des résidents du quartier. Considérant le refus de désignation du gouvernement provincial pour la zone d’innovation InnoVitam, certains se démandent pourquoi la ville continue dans cette voie.

« Il y a une opportunité de faire différemment, croit une dame. L’occasion est bien choisi pour partir sur de nouvelles bases, sur la vie économique qu’on veut dans notre quartier. »

Le développement économique, c’est d’abord « la vie économique », estime une autre résidente de Maizerets, qui ne voit pas les bénéfices d’un tel modèle économique sur le quotidien de la population locale.

« Ce que j’entends autour de moi, c’est que les gens ont envie d’une meilleure vie sociale, au niveau de qualité de l’air et de la mobilité aussi », dit-elle.

Création d’emplois

En 2019, la municipalité recevait une subvention de 50 M$ de Québec pour l’acquisition, la décontamination et le réaménagement de ces terrains. Déjà, celle-ci a décontaminé huit terrains.

Malgré ce refus récent qui date d’un mois seulement, elle continue de travailler avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI), ainsi que d’autres partenaires comme Québec International et l’Université Laval, indique la conseillère responsable des grands projets au comité exécutif, Maude Mercier Larouche.

75 % des 13 000 travailleurs des quartiers de la Canardière travaillent dans le secteur, sur une population de 22 000 personnes, soulève Mme Mercier Larouche.

« Moi la donnée du 75 %, je la veux encore plus importante, je veux qu’elle évolue. Et avec tout le réaménagement qu’on va faire des quartiers de la Canardière, ça va vraiment faire quelque chose de très attractif », avance-t-elle.

Des entreprises « vont naître » , des emplois « vont se créer », des « gens d’ici » vont  pouvoir travailler près de leur domicile, dans des entreprises technologiques, des coopératives, des OBNL, « tout ça peut coexister dans un même écosystème » , toujours selon Maude Mercier Larouche.

« Quand tu n’as pas à prendre ta voiture, à te déplacer en transport en commun, pour aller travailler à l’autre bout de la ville, ça aussi, ça contribue à l’amélioration de la qualité de vie », ajoute-t-elle.

Densification

Dans sa Vision, la Ville entend notamment consolider les noyaux mixtes pour faire des centralités de quartier et de voisinage. Elle veut aussi raviver la vitalité commerciale, miser sur l’habitation, les commerces de proximité, les espaces publics – comme un coeur de quartier permanent à la place Saint-Pascal-de-Maizerets – les espaces naturels.

La conseillère responsable de l’habitation, du logement social et du développement social au comité exécutif, Marie-Pier Boucher, appuie les dires de sa collègue.

« La ville change. Les quartiers de la Canardière sont appelés à changer, affirme cette dernière.

« Pour éviter l’étalement urbain, il faut être en mesure de densifier par l’intérieur », soutient-elle.

Aux yeux de l’administration municipale, il y a « un fort potentiel » de densification dans les quartiers de la Canardière.

« On veut que les citoyens puissent travailler dans leur quartier », déclare également Mme Boucher.

« On veut une diversité dans nos quartiers, un ensemble de gens qui contribuent à faire de notre milieu ce qu’il est. »

La conseillère en urbanisme au Service de la planification de l’aménagement et de l’environnement, Annie Boisvert, évoque pour sa part l’importance d’orienter et d’encadrer les projets immobiliers, de densifier « par insertion » et de concentrer la densification le long des artères, comme les boulevards Henri-Bourassa et Sainte-Anne, le chemin de la Canardière.

Mme Boisvert parle de la necessité de réaliser « des projets à échelle humaine », de définir des hauteurs et des gabarits « adaptés au milieu », en respect du patrimoine bâti existant, de la possibilité de jouer avec les hauteurs des bâtiments, avec des étages supérieurs en retrait, de même que des aménagement à mettre en place, comme un enlignement d’arbres au centre de la chaussée, par exemple, « pour que les piétons se sentent bien » dans leur environnement.

Milieux mixtes et rues conviviales

L’énoncé de la Vision est qu’en 2038, les quartiers de la Canardière seront « un secteur de courte distance », axé sur l’inclusion et la résilience. Celui-ci incluera une mixité d’usages, des espaces publics, des commerces de proximité, un réseau complet de mobilité durable et du verdissement, « dans une optique d’équité ». Il favorisera « la mixité sociale » et permettra à chacun d’y trouver sa place, et de répondre à ses besoins.

De plus, la municipalité prévoit ajouter des logements sociaux, communautaires, abordables; des logements pour tous, pour les familles, les étudiants, les gens seuls, les personnes immigrantes, « afin de répartir la cohésion sociale ». Elle vise de maintenir la proportion de 11 % de logements abordables dans le secteur. Ce pourcentage suit les logements construits dans le cadre d’interventions publiques, des logements sociaux et abordables issus de programmes gouvernementaux, comme Accès logis, l’Initiative rapide pour la création de logements, etc.

Verdissement, accès à la nature

En outre, la municipalité désire verdir les quartiers de la Canardière, avec, entre autres, un grand parc nature sur le site de l’ancien dépôt à neige d’Estimauville, qui intègre un ruisseau du Moulin décanalisé derrière le site de Médicago, un espace vert au nord de l’hôpital l’Enfant-Jésus, près de la 24e Rue, un agrandissement du Domaine Maizerets sur des anciens terrains industrialisés à l’ouest.

Elle souhaite aussi redonner accès au fleuve et à la Baie de Beauport, en plus de reconvertir le garage municipal de la Canardière en un centre multifonctionnel à vocation sociale.

Tramway, boulevard urbain…

Évidemment, plusieurs de ces changements dépendent de la CAQ. C’est le cas du projet de tramway, qui doit se rendre jusqu’au chemin de la Canardière, et celui de la transformation de l’autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain.

Pour Marie-Pier Boucher, la voix des élus, des citoyens, de « tout le monde » doit se faire entendre auprès du plus important bailleur de fond de ces deux projets, le gouvernement du Québec, pour que ce dernier entende raison.

« On a besoin de la voix de chacun », lance l’élue de Québec forte et fière.

L’élaboration de la version finale se fera à l’hiver. La présentation est prévue au printemps, sa mise en oeuvre, dont les outils réglementaires, plus tard en 2024. 

D’ailleurs, une consultation par écrit se déroule jusqu’au 22 janvier.

Cet article bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le Gouvernement du Canada.