Le frère Luc, un petit homme maigrichon, était le responsable de la procure à l'école Saint-Fidèle que j'ai fréquentée de la 3e à la 9e année.
Le frère Luc et la strap
Le frère Luc, un petit homme maigrichon, était le responsable de la procure à l’école Saint-Fidèle que j’ai fréquentée de la 3e à la 9e année.
La procure était une sorte de magasin où les élèves pouvaient se procurer des fournitures scolaires et toute la panoplie de menus articles dont se sert l’étudiant : du crayon à mine à l’équerre à dessin.
Cet endroit était aussi un lieu de châtiments corporels car c’est là que le frère Luc administrait les coups de strap, qu’on appelait le « siffleux », aux élèves indisciplinés. C’était un endroit maudit quand la porte était fermée : nous savions que le bon frère tapait de toutes ses forces sur les mains de sa malheureuse victime. On entendait les pleurs et le cris jusque dans le corridor. Même les « tofs » de l’école sortaient de là en braillant. Nous étions terrorisés.
Un jour, j’ai poussé un camarade de classe dans la cour de récréation. Mon prof m’a accompagné chez le frère Luc. Debout devant la porte de la procure, je tremblais comme une feuille. J’allais faire la connaissance du fameux« siffleux, j’en étais convaincu.
Quand mon tour arriva, le frère tortionnaire me fit entrer et il me désigna son bureau qui était derrière le comptoir. Je m’attendais au pire.
Le frère Luc me fit asseoir près de lui et il me parla d’une voix très douce.
– T’es un bon élève, André, un bon petit garçon, un premier de classe. Tu dois respecter tes camarades. C’est pas beau ce que tu as fait…
Il avait un ton de voix que je ne connaissais pas. Un ton mielleux, et son regard était très doux, trop doux. Il me parla de la vocation religieuse, de la vie en communauté… Il me prit la main et me dit :
– Je vais parler de toi à notre frère recruteur. Viens me voir quand tu veux, on va parler. Va, retourne en classe maintenant et sois bon.
Ouf! J’avais évité la strap. Mais j’ai ensuite toujours eu peur d’aller à la procure. Le frère Luc avait quelque chose de malsain, je le sentais, et c’était pire que son maudit « siffleux ».
* * *
André Lévesque administre le groupe Facebook Limoilou des baby boomers, où ce texte a été publié une première fois.
Outre cet article, on peut aussi apprécier de nombreux textes d’André dans son ebook : https://www.edition999.info/Limoilou-au-quotidien.html.
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