Pour bien des propriétaires riverains habitant les ruelles du Vieux-Limoilou, la gestion quotidienne de cette image de marque du quartier commence à peser lourdement. Pour eux, la municipalisation des ruelles semble devenir la seule voie de sortie acceptable.
Ras-le-bol dans les ruelles de Limoilou
Pour bien des propriétaires riverains habitant les ruelles du Vieux-Limoilou, la gestion quotidienne de cette image de marque du quartier commence à peser lourdement. Pour eux, la municipalisation des ruelles semble devenir la seule voie de sortie acceptable.
Jeudi soir, près d’une cinquantaine de personnes étaient réunies au centre communautaire Jean-Guy Drolet. Cette soirée était l’initiative de la conseillère municipale de Limoilou et cheffe de Transition Québec, Jackie Smith.
«Depuis que je suis élue, j’accumule les questions, qui restent un peu sans réponses», annonce d’entrée de jeu Jackie Smith.
La conseillère municipale souhaitait que cette rencontre puisse lui permettre de jouer encore davantage son rôle d’intermédiaire entre la population et l’administration municipale.
La semaine dernière, le conseil de quartier du Vieux-Limoilou avait adopté des résolutions plaidant contre la privatisation des ruelles. L’organisme plaidait plutôt en faveur de la municipalisation ou de la création d’une fiducie d’utilité sociale.
Biens sans maître
Le statut des ruelles de Limoilou demeure flou et mystérieux pour plusieurs.
Rappelons qu’en 1906, la Quebec Land Company achetait une grande partie de ce qui constitue le Vieux-Limoilou, pour un projet immobilier d’envergure. Des ruelles en H permettent alors la circulation entre rues et avenues.
Alors que des promoteurs vendent des terrains et des immeubles, les ruelles sont exclues de ce processus. Celles-ci finissent par se retrouver sans propriétaire et tombent sous la juridiction de Revenu Québec.
Elles possèdent le statut de biens sans maître. Elles détiendraient d’ailleurs un record de longévité dans cette catégorie au Québec.
Ce statut juridique et législatif flou fait en sorte que des projets d’aménagement et de verdissement se trouvent bloqués, au moment de faire des demandes à Revenu Québec.
D’autres ruelles sont quant à elles des propriétés privées.
Au-delà de cette situation, les citoyens réunis jeudi soir ont pu faire part de leur réalité. À la fin de la soirée, un consensus semblait se dégager : les gens réunis voulaient que la Ville de Québec fasse l’acquisition des ruelles. On semblait donc rejeter l’option de l’acquisition de ruelles par les citoyens.
Le «bordel» du déneigement
Alors que l’hiver commence à prendre ses aises, l’enjeu du déneigement semble être un irritant majeur.
Plusieurs propriétaires ont expliqué qu’une minorité de gens ne voulaient parfois pas payer pour les frais de déneigement. Cette situation fait en sorte que les autres propriétaires de la ruelle doivent souvent assumer un surplus.
Normalement, une amende de 1000$ peut être imposée par la Ville, si un propriétaire refuse de participer au contrat de déneigement octroyé dans la ruelle. Toutefois, une citoyenne a pris la parole pour exprimer qu’un propriétaire, qui détient plusieurs logements, aurait dû payer 1500$ en déneigement. Comme l’amende de la ville était moins chère, le propriétaire aurait préféré payer l’amende.
Un autre a dénoncé un «cartel» dans le déneigement, dénonçant les hausses fulgurantes de tarifs, mais aussi la séparation des territoires. Une autre déplore d’ailleurs que trois compagnies de déneigement différentes s’occupent d’une seule ruelle en H, créant un «bordel à chaque année».
Finalement, un résident semblait vouloir se résigner à aller devant la cour des petites créances, afin de régler un dossier litigieux avec des propriétaires qui refusent de payer.
«C’est très ordinaire, de devoir traîner un voisin devant les petites créances», soupire-t-il.
Circulation de transit et sécurité publique
Les enjeux de sécurité semblaient aussi préoccuper de nombreuses personnes.
Plusieurs déplorent qu’avec les chantiers qui se sont déployés dans les derniers mois dans le Vieux-Limoilou, plusieurs automobilistes utilisent les ruelles comme raccourcis ou détours. Une citoyenne, qui réside dans celle derrière la Boîte à Pain, déplore d’ailleurs que sa fille est passée près d’être happée deux fois par des automobilistes. Comme l’intersection entre la 3e Avenue et la 4e Rue est bloquée, des gens font le détour par les ruelles.
La citoyenne s’est informée au Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), afin de demander de la surveillance policière. On lui aurait cependant répondu qu’elle ne pouvait rien faire, comme la ruelle n’était pas sous juridiction municipale.
Tôt vendredi matin, l’auteur de ces lignes a pu constater qu’en deux minutes, deux automobilistes avaient effectivement pris ce détour. Dans la ruelle de l’autre côté, une pancarte indique bien que l’accès est réservé aux résidents, mais celle-ci n’était pas présente pour la ruelle en direction sud. Deux véhicules bloquaient cependant l’accès pendant plusieurs minutes dans la ruelle des Oiseaux de passage.
Une autre citoyenne, qui réside dans la ruelle entourant le parc Roland-Asselin, soulignait aussi l’absurdité de gérer l’entretien de ces voies de transit, puisqu’elles seraient régulièrement utilisées par les camions de la Ville.
Autre enjeu de sécurité publique soulevé : des incendies peuvent (et sont) survenus dans des bâtiments qui touchent aux ruelles, pendant l’hiver. Il faut cependant que le déneigement ait pu être fait, pour que les véhicules d’urgence puissent s’y rendre. Alors que l’hiver n’est pas encore commencé, certains amoncellements de neige ont déjà commencé à se former, bloquant au moins un accès dans la ruelle.
Et ailleurs?
La question semblait en suspens pendant toute la soirée : pourquoi les ruelles ne sont pas municipalisées à Québec, comme c’est le cas ailleurs?
«J’ai habité plusieurs années à Montréal. J’ai “capoté” en apprenant qu’il fallait gérer les ruelles. La ville doit prendre ses responsabilités. […] Le verdissement, c’est le dernier de nos soucis en ce moment», résume un citoyen.
En mars dernier, le maire Bruno Marchand avait rejeté du revers de la main l’option d’une municipalisation des ruelles. M. Marchand affirmait que cette acquisition mettrait «à la charge de la Ville quelque chose qui n’a pas de bon sens.»
À Montréal, les ruelles sont municipalisées depuis 1960. Le déneigement d’une bonne partie d’entre elles est assumé par la Ville. Dans certains autres cas, le coût du déneigement est assumé par les citoyens pendant la période hivernale. D’ailleurs, d’autres ruelles montréalaises ont aussi fait l’objet d’acquisitions privées de parcelles de terrain. Cette situation complique la tâche des citoyens impliqués dans des projets de verdissement ou d’aménagement.
Jackie Smith a affirmé vouloir faire venir quelqu’un de Montréal, pour mieux comprendre le fonctionnement dans la métropole.
Invitation à la mobilisation
Accès au stationnement, gestion des matières résiduelles, difficultés de s’entendre avec les propriétaires non-occupants, baisse de la mobilisation citoyenne… Tous ces enjeux ont été nommés à un moment de la soirée.
Pour la suite des choses, Jackie Smith invite à poursuivre la mobilisation. Elle invite les citoyens à se présenter à des instances comme le conseil de quartier ou le conseil municipal, afin de marteler le message.
Deux fonctionnaires municipaux étaient aussi présents au cours de la soirée, prenant des notes sur les différentes préoccupations. L’un d’entre eux avoue même avoir été «renversé» par certaines situations racontées par des résidents.
Les fonctionnaires rencontreront bientôt le comité expert, en charge du dossier. Ils plaideront pour la création d’un comité paritaire, qui inclurait à la fois des personnes de la Ville et des citoyens des ruelles.
Même si plusieurs questions sont demeurées sans réponse, les bases d’un plus large mouvement de solidarité inter-ruelles semblent avoir été placées le jeudi 23 novembre.
Cet article bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le Gouvernement du Canada.
NDLR : Une version précédente du texte indiquait que le déneigement des ruelles de Montréal était assumé par les résidents. C’est parfois le cas, mais le déneigement d’une grande partie des ruelles sont assumées par la Ville de Montréal.
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16, rue Royal-Roussillon, Québec (Québec), G1L 2J7
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