Retour à Limoilou

Juin 1985. Le train file vers la gare du Palais après un arrêt à Sainte-Foy. Je m’assois à droite pour revoir les lieux que j’ai connus.

Retour à Limoilou | 3 mars 2024 | Article par André Lévesque

Le coin 4e Avenue et 11e Rue en 1961.

Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Juin 1985. Le train file vers la gare du Palais après un arrêt à Sainte-Foy. Je m’assois à droite pour revoir les lieux que j’ai connus.

On passe derrière le Colisée, puis c’est l’école Marie-de-l’Incarnation, Jean-de-Brébeuf, le Parc Ferland, Saint-Jean-Eudes et le clocher de Saint-Charles de Limoilou. On traverse le pont et nous sommes arrivés !

Je prends un taxi pour aller chez moi. Je dis au chauffeur, presque machinalement : « 1475 4e avenue, s’il vous plait. » C’est comme un mantra. Quand j’étais petit, maman m’avait fait mémoriser mon adresse : « 1475… ». Je n’ai jamais oublié…

J’ai un pincement au cœur en arrivant devant la maison de mon enfance. Elle est petite, ma maison, elle a deux étages et elle est adossée à une maison plus grosse, plus haute d’un étage. J’ai toujours pensé qu’elle était protégée par la maison voisine.

Ma mère m’attend. Elle connaît l’heure d’arrivée des trains depuis toujours. « Mon fils », qu’elle me dit en m’embrassant. Elle aime dire ça, « mon fils ». On se tire une chaise dans la cuisine pour déguster une tasse de thé et placoter. Maman, c’est le thé depuis toujours.

Presque rien n’a changé dans la maison depuis mon départ. Ma chambre est toujours pareille, les meubles du salon sont les mêmes. C’est petit mais c’est chez moi.

Après les retrouvailles, je vais m’asseoir sur la galerie d’en avant. J’ai toujours aimé ça, passer du temps sur la galerie : j’aimais le spectacle de la rue. Je prenais une chaise pliante dans le portique et je lisais en levant les yeux de mon livre dès que quelqu’un passait devant chez nous. C’était des fois Ti-Gilles qui venait piquer une jasette ou la belle Suzanne, ma voisine, qui s’arrêtait faisant battre mon cœur à cent milles à l’heure.

Mais…Ti-Gilles, Suzanne et tous les copains sont partis. « C’est du monde neuf », me dit ma mère. De nouveaux voisins. Le temps a fait son œuvre…

C’est le diner. Maman me demande d’aller chercher du steak délicatisé. L’épicerie-boucherie Langlois au coin de la 13e est fermée. Alors, je vais chez Jos Simard au coin de la 16e Rue. C’est le dernier commerce qui reste de l’époque de ma jeunesse.

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Après le diner, je vais prendre une marche autour du bloc. Je ne reconnais rien ni personne. La ruelle est silencieuse, déserte. Mais où sont les enfants qui jadis jouaient dans les ruelles du matin au soir ? C’est une autre époque si différente de la mienne…

J’ai envie de dire : « Dans mon temps on savait s’amuser, on jouait dehors… » Je me retiens. Cela fait vieux de dire ça, radoteux, mononcle!

Tiens, je vais aller voir mon copain d’école Caroll, le proprio du Salon de coiffure Martel, situé en face de l’église Saint-Fidèle. Caroll, c’est la mémoire vivante de la paroisse. C’est le seul aussi d’la gang qui est resté dans le coin. On parle de nos amis d’autrefois, de nos profs. Caroll me raconte ce qu’ils sont devenus. On passe ensemble un moment de bonheur à partager nos souvenirs assis sur les chaises de barbier.

Je reviens à la maison. Ce sera le souper. Ce soir, je retournerai sur la galerie d’en avant en espérant secrètement que par magie, Ti-Gilles ou la belle Suzanne viennent me joindre dans les marches d’escalier. Comme autrefois…

Après-demain, je retournerai en Outaouais. Dans le train, j’aurai retrouvé mon âme de ti-gars de Limoilou.

*     *     *

André Lévesque administre le groupe Facebook Limoilou des baby boomers, où ce texte a été publié une première fois.

Outre cet article, on peut aussi apprécier de nombreux textes d’André dans son ebook : https://www.edition999.info/Limoilou-au-quotidien.html

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