Nos escapades en tricycle sur la 4e Avenue

Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs ses souvenirs de jeunesse. Aujourd’hui, il nous raconte une petite  mésaventure d'enfance qui s'est heureusement terminée sur une note joyeuse.

Nos escapades en tricycle sur la 4e Avenue | 4 juillet 2021 | Article par Monlimoilou

L’un des jumeaux qui se fait initier au tricycle avec sa mère Denise devant la maison sur la 4e Avenue, à Limoilou. Pastel réalisé par la conjointe de Denys Hawey.

Crédit photo: Denys Hawey - Archives familiales

Auteur de D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs, Denys Hawey partage pour nos lecteurs ses souvenirs de jeunesse. Aujourd’hui, il nous raconte une petite  mésaventure d’enfance qui s’est heureusement terminée sur une note joyeuse.

C’était vers nos quatre ans que moi et Richard, mon jumeau, avions été autorisés à sortir de notre cour et à nous promener autour du bloc. Il y avait aussi les ruelles, les fameuses ruelles de Limoilou.

Avec le temps, nous avions pu étirer le cordon de surveillance parental. Il m’arrivait de prolonger ma balade en tricycle jusqu’au coin de la 4e Avenue et du chemin de la Canardière.

Là, il y avait une maison – je devrais dire un taudis –, qui défiait la loi de la gravité. J’y retrouvais un petit gars qui était toujours assis, seul. Il avait l’air tellement triste et je pouvais sentir qu’il y avait une différence entre lui et moi : son linge était usé et étiré. Je trouvais qu’il faisait pitié et j’essayais de le faire sourire. Chaque fois que je réussissais à l’égayer, je me sentais récompensé et encouragé à en faire plus.

Un matin, j’avais dû me surpasser pour le distraire : j’étais monté debout sur le siège de mon petit tricycle. Wow! Tout me réussissait : il riait! Soudain, j’avais perdu pied et je m’étais étendu de tout mon long sur le sol.

J’avais entrepris de me relever; la douleur était si intense que je ne pouvais contenir les sons de ma bouche. Le petit, quant à lui, avait cessé de me trouver drôle. Je ne l’intéressais plus. Il s’était levé, s’était retourné et était entré à l’intérieur du taudis.

J’étais monté sur mon tricycle en étendant mon bras valide sur le guidon pour le diriger vers la maison. Maman Denise et grand-maman Cendrine étaient aussitôt sorties de la maison pour me prêter main-forte.

J’avais passé le reste de l’été avec un plâtre, de l’épaule à la paume de la main gauche. Je n’appréciais pas la situation, particulièrement quand mon frère s’amusait à jouer dans la petite piscine soufflée que maman avait installée dans la cour.

Je me souviens qu’à la fin de l’été, Pierre, mon père, avait décidé de me débarrasser de mon plâtre. Évidemment, la seule pensée d’en être libéré me souriait. Mais je n’avais pas escompté que ça se ferait selon le procédé envisagé par mon père.

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Pierre avait un plan des plus simples : il m’installerait dans le bain pour ne pas salir le plancher, puis il scierait le plâtre avec sa bonne vieille grosse égoïne. J’avais aussitôt pensé qu’il blaguait; c’était typiquement le genre de blagues qu’il aimait faire avec nous. Cependant, cette fois, il était non seulement sérieux, mais il avait insisté pendant que, de mon coté, j’étais négatif : il n’en était absolument pas question!

Son principal argument était le suivant : « Quand ben même on se rendrait à l’hôpital, comment penses-tu qu’ils vont enlever ton plâtre? Comme je le ferais : avec une scie! »

Il considérait dérisoire que je lui serve une objection relativement à l’aspect brutal et rustique de son instrument, que j’avais si souvent vu couper grossièrement des madriers et non pas un mince plâtre recouvrant mon pauvre petit bras.

Finalement, il avait eu gain de cause. J’avais la consigne de lui laisser savoir aussitôt que je ressentirais le moindre froissement sur ma peau. Vous pouvez imaginer la panique! Il me revenait, à moi, la responsabilité du succès ou de l’échec de l’opération. Si mon père allait trop profondément avec son égoïne, non seulement souffrirai-je d’un bras amoché, ou pire d’une amputation, mais en plus, je serais blâmé de n’avoir pas réagi promptement. Beau scénario!

J’hésitais encore. Je suppliais des yeux ma grand-mère et ma mère pour qu’elles interviennent en ma faveur auprès du bourreau. À mon grand désespoir, Denise, ma propre mère, avait lancé ma condamnation. Elle penchait du côté de son mari :

« Bon, Denys! Arrête de faire le bébé! Fais confiance à ton père! Ça ne prendra pas deux minutes, pis tout ça va être fini! »

Je n’avais eu d’autre choix que de me résigner.

Finalement, l’opération a été un succès. Pierre a proposé que nous nous rendions chez grand-maman et grand-papa Hawey pour leur montrer mon « nouveau » bras. En chemin, grâce à moi, nous avons eu droit chacun à un gros cornet de « crème-à-glace molle » avec un revêtement de chocolat de la Crèmerie de monsieur Angers, sur la 3e Avenue, au coin de la 17e Rue.

Les jumeaux devant leur piscine dans la cour, à Limoilou.
Crédit photo: Denys Hawey - Archives familiales

Legs pour ses deux enfants et leurs propres enfants, D’Irlande, de Limoilou et d’ailleurs a fait l’objet d’un article sur Monlimoilou. Son histoire de famille et de vie de jeunesse, racontée en 426 pages enrichies de photos, est disponible exclusivement à la Librairie Morency.

Souvenir précédent : L’Alliance Limoilou : un commerce de la famille Hawey sur la 5e Rue.

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